Théâtre - Critique

La casa de la fuerza

La casa de la fuerza - Critique sortie Théâtre


Avec le retentissement qu’il a eu, on peut d’ailleurs s’étonner de voir ce spectacle aussi peu programmé sur les scènes françaises. Bizarrerie qu’on n’ose pas imaginer liée au caractère particulièrement original de la proposition… Il y a deux ans, en arrivant à Avignon, l’espagnole Angelica Liddell était peu connue dans l’Hexagone, précédée seulement d’une réputation quelque peu sulfureuse. On l’avait vue à Bordeaux se scarifier les genoux, ingurgiter cul sec des canettes de bière devant un gros cheval de trait blanc, dans un spectacle stupéfiant traitant de la violence incestueuse d’un père militaire (comme le sien…). Pour sa première création en nombre – elle n’avait créé jusque là que des soli -, la saignante ibérique, directrice de la compagnie de l’Atra Bilis Teatro, reprenait certains de ses gestes et un thème approchant – la violence masculine – tout en faisant rentrer sur la scène du Cloître des Carmes un chanteur, un bodybuildé champion de concours de force, et des femmes en guise de jumelles, décalques d’elle-même, sœurs de sort dans la souffrance que leur inflige le monde. A mi-chemin entre la performance et le théâtre, le spectacle proposait des moments d’une beauté fulgurante : s’élevant dans la nuit avignonnaise, le Cum dederit  de Pau de Nut, chanteur à la voix angélique ; Angelica Lidell et ses comparses charriant longuement sur la scène des masses de gravier au mica scintillant ; un linceul aux allures de suaire, tâché du sang de ses genoux, que l’auteure metteure en scène appliquait soigneusement sur le visage de ses “sœurs“…, etc.

La violence faite aux femmes

Un an plus tard, Liddell montre à Avignon un spectacle attendu mais décevant. Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci lui succède dans la catégorie des spectacles hors-normes et inoubliables. Entre les deux chefs-d’œuvre, de nombreux points communs, dont celui d’aller chercher le spectateur dans des zones oubliées de sa sensibilité, de le révéler à des émotions profondément enfouies que le théâtre lui permet de ranimer. Si la critique peut se faire emphatique encore – dans le vacarme habituel des commentaires hyperboliques des médias – c’est bien face à de telles propositions. La casa de la fuerza déploie trois tableaux somptueux sur lesquels plane le personnage à la fois désespéré et enfantin d’Angelica Liddell.   Avec humour, noirceur, poésie et cruauté, s’y met en lumière la violence faite aux femmes au Mexique ou ailleurs. Mais bien davantage encore, la capacité du théâtre à faire œuvre de communauté.

Eric Demey

La casa de la fuerza d’Angelica Liddell, du 23 au 28 mars au Théâtre de l’Odéon. Place de l’Odéon, Paris 6ème. Tél : 01 44 85 40 00. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2011.  

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