Théâtre - Critique

L’ Analphabète d’Agota Kristof, adaptation et jeu Catherine Salviat

L’ Analphabète d’Agota Kristof, adaptation et jeu Catherine Salviat - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Artistic Athévains


d’Agota Kristof / adaptation et jeu Catherine Salviat

Seule en scène, tour à tour enfant prodige, adolescente à l’étude, réfugiée passant la frontière dans la neige et la boue, écrivaine attentive à fortifier son talent naissant et dramaturge couronnée par le succès, Catherine Salviat se saisit de l’autobiographie d’Agota Kristof, Suisse d’origine hongroise qui écrivit son œuvre en français, cette langue « ennemie » dont la maîtrise la força à ce qu’elle considérait comme un mensonge identitaire. Loin d’être ce « butin de guerre » que Kateb Yacine s’enorgueillît d’avoir fait sien, le français demeura une souffrance pour Agota Kristof : il est la langue qui la laissa toujours « analphabète », celle qui la rendit étrangère à sa petite fille, élevée à la crèche sans comprendre que le parler de sa mère n’était pas celui de ses nourrices. Mais cette langue d’adoption est aussi celle qui, paradoxalement, permit la reconnaissance de l’artiste. Langue de souffrance et langue d’épanouissement tout à la fois : Catherine Salviat avance comme une danseuse de corde en brodequins d’argent, le balancier au poing entre ces deux modalités de l’expression.

Droit au cœur

La langue est secours et péril et Catherine Salviat interprète les péripéties de cette traversée où s’affirme la singularité de l’écrivaine. Mieux qu’une autobiographie incarnée, ce spectacle est une aventure langagière à laquelle la comédienne offre un talent d’interprétation qui se passe de tous les artifices et de tous les accessoires du théâtre pour ne conserver que l’art du jeu comme véhicule du sens et de l’émotion. Catherine Salviat ne s’essaie jamais au vain exercice de l’imitation. Rien dans le costume, à peine quelques éléments suggestifs grâce aux lumières, mais tout dans les yeux, dans la bouche, dans les mains. Un geste, une moue, un sourire, un regard qui se glace ou s’attendrit : il faut être une immense comédienne pour réussir à ainsi concentrer la puissance de son art et atteindre l’élégance de l’épure. Comme les grands onnagata japonais ou comme ces « acteurs pneumatiques » dont parle Valère Novarina, Catherine Salviat atteint la perfection du geste qui lui permet de réécrire le texte. L’essentiel est la langue ; le reste est littérature !

Catherine Robert

A propos de l'événement


L’ Analphabète
du lundi 25 novembre 2019 au mardi 31 décembre 2019
Théâtre Artistic Athévains
45, rue Richard-Lenoir, 75011 Paris.

Mardi et vendredi à 19h ; mercredi et jeudi à 20h30 ; samedi à 16h ; dimanche à 15h. Tél. 01 43 56 38 32. Durée : 1h. A suivre et à découvrir (avant ou après) à partir du 3 décembre, La Légende du saint buveur, de Joseph Roth, par Arnaud Simon. Mardi et vendredi à 20h30 ; mercredi et jeudi à 19h ; samedi à 18h et 20h30 et dimanche à 17h.


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