Classique / Opéra - Gros Plan

Krzystof Warlikowski

Krzystof Warlikowski - Critique sortie Classique / Opéra Lyon Opéra de Lyon


Opéra, temps forts
LYON / OPERA BASTILLE / PORTRAIT

« Où sont les lavabos ? » Dans les années 2000, lorsque le public français commença à devenir familier des mises en scène d’opéra de Krzystof Warlikowski, c’était une boutade qui revenait souvent. Il faut dire que la faïence blanche est l’un des fétiches du metteur en scène. Quelle bronca en 2006 lorsque son Iphigénie en Taulide de Glück, révélé à l’Opéra de Paris par Gérard Mortier, dévoila une maison de retraite avec carrelage, alignement de sanitaires et coin télé ! Mais comme pour l’urinoir de Marcel Duchamp, la présence récurrente de la faïence blanche dépasse la provocation. Elle pourrait signifier que l’opéra, loin d’être un sanctuaire, est le lieu des passions et des paroxysmes. Haro sur les images aseptisées ! Place à l’hyperréalisme et sa cohorte de sang, de bile, de trivial et de chair ! Ce qui nécessite des chanteurs plus que les poses convenues et vieillottes parfois encore en vigueur sur les scènes lyriques. Ouverture d’esprit, engagement physique et psychique – voire dans le meilleur des cas, incandescence –, tels sont les prérequis indispensables pour le jeu d’acteurs au cordeau qui fait la signature de Warlikowski. Les théâtrophiles le savent, qui ont découvert le travail du Polonais au Festival d’Avignon, avec Hamlet en 2001, suivi l’année suivante de Purifiés de Sarah Kane. Dans chacune de ces productions était louée la direction d’acteurs hors pair tout comme se faisait remarquer le travail de sa scénographe attitrée, Malgorzata Szczęśniak, qui est à Warlikowski ce que représentait Richard Peduzzi pour Patrice Chéreau.

Les fantômes et les plaies de la Pologne

Si l’on peut parfois reprocher à Krzystof Warlikowski une surcharge, notamment dans les effets vidéos, force est de reconnaître que le metteur en scène a atteint aujourd’hui la maîtrise de son langage scénique, reconnaissable immédiatement aussi du fait de l’équipe qui l’entoure – toujours la même. Au fil des interviews, il affirme qu’il arrive sur le plateau sans une vision ou des réponses déjà prêtes. On comprend pourquoi il a souvent monté Shakespeare : comme le dramaturge anglais, ne reconnaît-il pas que le théâtre est le meilleur endroit pour questionner le monde ? Et il ne s’en prive pas. Né d’un père catholique et d’une mère juive non pratiquante, en 1962, à Szcecin, ville allemande devenue polonaise après la guerre, il est le fruit de cette identité tourmentée. De la Pologne avec laquelle il vit une relation ambivalente, il prend les fantômes en face, gratte les plaies de son histoire, taille dans le vif de ses traumas et démons comme l’homophobie (Angels in America de Tony Kushner en 2007) ou l’antisémitisme (Les Français d’après À la recherche du temps perdu de Proust en 2016). D’une manière générale, c’est la condition humaine dans toute sa complexité qu’il ne cesse d’explorer. Avec le dernier opéra de Janacek, De la maison des morts, inspiré par l’expérience carcérale de Dostoïevsky, et Lady Macbeth de Mzensk de Chostakhovitch où l’héroïne est en prise à une société violente et patriarcale, voilà une matière brûlante pour exercer sa critique au vitriol. Avec ou sans lavabos.

 

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


De la maison des morts
du lundi 21 janvier 2019 au samedi 2 février 2019
Opéra de Lyon
1 place de la Comédie, 69001 Lyon

Tél. : 04 72 00 45 00. Places : 10 à 85 €.


Lady Macbeth de Mzensk. Opéra Bastille, 120 rue de Lyon, 75012 Paris. Du 2 au 25 avril 2019. Tél. : 08 92 90 90.


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