Théâtre - Festival

Julie Brochen

Julie Brochen - Critique sortie Théâtre


Comment redécouvrez-vous la langue claudélienne ?

Julie Brochen : Nous sommes quatre à interpréter l’œuvre, deux couples issus du Conservatoire, Fred Cacheux et moi-même, et Antoine Hamel et Cécile Péricone, de promotion plus récente. C’est l’expérience d’une troupe qui s’invente et se coopte, réunie déjà dans La Périchole. J’ai senti la nécessité de revenir sur le plateau pour être à nouveau irriguée de l’intérieur, à cette place de l’acteur qui n’est pas celle du metteur en scène. J’ai eu paradoxalement plus de mal à réapprendre le rôle de Marthe qu’à l’apprendre car la mémoire évacue un texte aussi dense quand on ne le joue plus.

Marthe, l’épouse trahie et vendue, a-t-elle toujours des secrets pour vous ?

J. B. : J’ai beaucoup d’amour pour Marthe, et plus je suis dure avec elle et plus j’ancre mon amour pour elle. J’avais auparavant des idées préconçues sur sa foi, son engagement, son aspect dix-neuvième siècle français et paysan, d’ailleurs plus prégnant dans la première version que nous jouons. Contre le temps présent qui rime avec rapidité, éloquence et brillance d’un apparat fantasque, Marthe symbolise la passivité et l’obstacle, le hiératisme ancestral, le poids du granit, sérénité et calme. Un caillou qui creuse, une roche inamovible malgré les intempéries de la vie.

« Claudel et le théâtre invitent à se retrouver en tant qu’entités vivantes dans une convocation mutuelle des uns et des autres. »

De quoi traite cet Échange finalement ?

J. B. : Comme toutes les pièces de Claudel, L’Échange parle de théâtre. Qu’est-ce qui s’échange au-delà des deux hommes et des deux femmes ? Qu’est-ce qu’on échange de soi quand on joue ? Marthe dit à Louis : « Je serai suspendue à toi, bien lourde ». On n’a pas envie d’être encombrant… Mais après Hanjo de Mishima que j’ai récemment monté, j’aime à me dire qu’on ne connaît pas les vertus considérables de l’attente qui mène à l’exaltation et au retour de la passion.

Cette première expérience de l’Orient et de ses valeurs vous a naturellement conduite encore vers Claudel.

J. B. : Il suffit de suivre le soleil. Plus on suit le soleil, plus on se rend compte qu’en Chine et au Japon, les êtres cultivent une relation extrêmement ancrée au spirituel et au sacré. La Russie privilégie davantage l’humain, ce que c’est qu’ « être ». En Europe, se pose plutôt la question de ce qu’on réalise à partir de soi. Aux Etats-Unis, les enjeux tournent autour de ce qu’on fait et de ce qu’on gagne. Une sorte de dérive dangereuse vers le capitalisme où l’être s’efface devant le profit. On a dit des sociétés soviétiques qu’elles négligeaient la dimension personnelle pour le bienfait collectif. Toujours est-il que dans les sociétés capitalistes, la dimension collective est complètement niée. Claudel et le théâtre invitent à se retrouver en tant qu’entités vivantes dans une convocation mutuelle des uns et des autres.

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Avignon 2007


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