Jonathan Capdevielle met en scène « Caligula » d’Albert Camus : une lecture politique et poétique

S’inspirant de la personnalité complexe du troisième empereur romain, qui régna au premier siècle de notre ère, de 37 à 41, Caligula est l’une des quatre œuvres d’Albert Camus (avec L’Étranger, Le Mythe de Sisyphe et Le Malendendu) composant le Cycle de l’absurde. C’est cette pièce qui explore les thèmes de la démesure et de la quête de l’impossible que crée Jonathan Capdevielle au T2G – Théâtre de Gennevilliers, dans le cadre du Festival d’Automne. « Après avoir adapté des romans et travaillé sur l’autofiction, déclare le metteur en scène, j’avais envie de me confronter à un type d’écriture purement théâtral. Le choix était vaste et je suis tombé sur Camus un peu par hasard, sur la foi du titre de la pièce, qui a résonné avec une passion que j’ai développée de longue date pour la Rome antique et les empereurs romains. J’avais notamment lu la Vie des douze Césars de Suétone, où le personnage de Caligula m’avait particulièrement frappé. » Interprétée par les comédiennes et comédiens Adrien Barazzone, Dimitri Doré, Jonathan Drillet, Michèle Gurtner, Marlène Saldana, Thomas Scimeca et Jean-Philippe Valour, cette mise en scène de Caligula place l’œuvre de Camus au sein d’un décor s’inspirant d’une image de bunker dans un paysage de calanques.

Un Caligula organique

« La scénographie créée par Nadia Lauro (…) est un objet en soi qui agit sur les corps, précise Jonathan Capdevielle. [Ce] dispositif intensifie la violence du dialogue entre la roche brute et son devenir, architecture ou ruine. C’est le rapport de forces entre différentes énergies (solaire, tectonique et architecturale) qui frappe dans ce paysage. » Partant d’un montage des deux versions existant de Caligula (la première remonte à 1937, la seconde date de 1958), le directeur artistique de la Compagnie Poppydog a cherché à déplacer la pièce de Camus. « Ce qui m’intéresse, explique-t-il, c’est de voir les interprètes se réapproprier cette écriture forte mais peut-être un peu datée, en poussant leur interprétation vers les extrêmes, de sorte qu’elle révèle aussi leur personnalité. Pour cela, le contexte et le lieu sont essentiels, et cette calanque où s’est repliée cette assemblée en vacances avant le retour de l’empereur va s’ajouter à̀ l’interprétation que l’on peut faire du texte. Ce qui m’importe également, c’est d’accompagner ce texte-là vers un travail d’improvisation, à partir d’une musique originale créée avec Arthur Gillette et Jennifer Eliz Hutt, qui sont aussi interprètes. » Cette prise en charge musicale, plastique et organique de Caligula vise à éclairer le destin d’un homme « tout entier absorbé par la quête d’une vérité sans fard », un homme « qui sape les structures, fait tomber les masques et fait vaciller la société ».

Manuel Piolat Soleymat