Avignon - Entretien Amos Gitaï

« Je collectionne les contradictions ! »

« Je collectionne les contradictions ! » - Critique sortie Avignon / 2009


Que raconte La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe?
Amos Gitaï : L’ouvrage de Flavius Josèphe relate avec minutie l’insurrection juive en 66 et la prise de Jérusalem par l’Empire romain de Vespasien et Titus en 70. Très peu de textes “journalistiques“ chroniquent cette époque, c’est pourquoi ce témoignage historique, écrit à Rome juste après cette guerre sanglante, en araméen avant d’être traduit en grec, est d’un intérêt considérable. Le projet de l’auteur répond à la volonté de laisser une trace, de détailler les arguments conduisant à l’anéantissement d’un pays. Ce texte est d’une immense force, et il parle des faits, des processus de destruction d’un pays. Je crois que les résonances de ce texte sont très fortes aujourd’hui. Le Proche-Orient souffre au quotidien, et cette souffrance demande à réfléchir, à voir comment on peut créer une autre forme de relation entre les gens.

« Ce texte est d’une immense force, et il parle des faits, des processus de destruction d’un pays. »

Qui est Flavius Josèphe ? 
A. G. : Né à Jérusalem dans une famille sacerdotale, Joseph fils de Matthias prend le commandement de troupes juives en Galilée lorsque l’insurrection éclate. Vaincu et fait prisonnier, il passe dans le camp romain. Le nouveau Titus Flavius Josephus assiste à la chute de Jérusalem, et nous lui devons le seul récit complet de la guerre de 66-73.

Comment avez-vous pu ordonner votre pensée face à une œuvre si pleine de tout et son contraire ? 
A. G. : Je collectionne les contradictions ! Je les adore ! Cette époque du début du Talmud est d’ailleurs ancrée dans la dialectique pure. Et Flavius Josèphe lui-même est une forme d’énigme contradictoire.

Quelles résonances avec le monde contemporain voyez-vous dans ce texte ?
A. G. : C’est au spectateur de répondre à cette question. Il s’agit d’un travail d’interprétation. Nous ne sommes pas au journal de 20 heures, les résonances sont forcément indirectes. Les images et les paroles de la pièce composent une sorte d’univers, une sorte de tissu qui pose des questions. Une polyphonie de plusieurs langues – hébreu, arabe, français, yiddish, anglais – investit l’espace. Mais je reste suggestif et parabolique.

Votre spectacle tourne à Epidaure, Istanbul, Barcelone… Qu’avez-vous imaginé pour la Carrière de Boulbon à Avignon ? 
A.G.  : Je veux montrer une sorte de tremblement de terre durant lequel on peut imaginer que de grands morceaux de pierre sont tombés. Puis nous allons à partir de là construire un orchestre de tailleurs de pierre. Sur ce tissu sonore nous allons écouter les grands discours de Flavius Josèphe et les affrontements de La Guerre des Juifs.

Le texte est-il uniquement extrait de La Guerre des Juifs ou comporte-t-il des ajouts ? 
A. G. : Jeanne Moreau a beaucoup insisté pour que j’écrive un épilogue, mais je lui ai dit que je ne voulais pas vraiment intervenir à côté de ce texte.

Propos recueillis par Agnès Santi

Festival d’Avignon. La guerre des fils de lumière contre les fils de ténèbres d’après La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe, mise en scène Amos Gitaï, du 7 au 13 juillet à 22h, relâche le 10, à la Carrière de Boulbon. Tél : 04 90 14 14 14.

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