Danse - Entretien / Claire Verlet

Janvier danse aux Abbesses

Janvier danse aux Abbesses - Critique sortie Danse Paris Théâtre des Abbesses


Entretien Claire Verlet

Quatre spectacles font l’actualité aux Abbesses en janvier. Réunis au départ pour leur capacité à « semer les graines de l’utopie », comment a évolué aujourd’hui votre vision sur ces projets ?

Claire Verlet : Aujourd’hui, je ne sais pas si je pourrais réunir ces projets sous ce même terme d’utopie. Les choses vont dans des directions tellement différentes. Au vu des événements récents, j’ai peur qu’on les prenne sous un angle qui n’était pas là au départ, et qu’elles résonnent de la mauvaise façon. Ce qui me gêne, c’est le risque de prendre le mot utopie dans un sens trop orienté, car aucun de ces chorégraphes ne se reconnaîtrait dans un discours purement politique. Pourtant, chacun de ces projets a une dimension politique.

« Chacun de ces projets a une dimension politique. »

C’est-à-dire ?

C. V. : Dans Refuge de Vincent Dupont, il s’agit des mouvements de deux manutentionnaires dans un centre de tri, avec tout ce que cela peut produire comme mécanisation du mouvement. On n’est pas loin du film de Chaplin Les Temps modernes, avec la même poésie qui transcende le sujet. Cette question du travail, de la répétition de la tâche, est éminemment politique. Le travail de Kat Válastur est très différent : elle pose avec Oilinity la question de l’énergie. Là encore, la démarche résonne avec ce qui se passe aujourd’hui, à travers le sujet de notre dépendance au pétrole. Si Kat Válastur est attentive aux questions de société, son travail est assez abstrait. A la fois mystérieux et dégageant quelque chose d’essentiel. Quant au projet d’Adi Boutrous, Submission, il s’intitulait au départ It’s always here. C’était un duo d’hommes de trente minutes, et j’ai proposé à Adi de faire, en regard, un duo de femmes, pour voir comment la question de ce qui se passe entre eux pouvait être déplacée. Enfin, Igor et Moreno créent Andante, un bain de sensations, un voyage, y compris olfactif, un vrai moment de rencontre humaine. En ce sens, c’est sans doute la pièce la plus utopique. Tous deux viennent d’endroits où l’on partage des repas, des fêtes – Igor est basque et Moreno est sarde – et cela se ressent.

Y a-t-il des passerelles, des dialogues de l’une à l’autre des quatre pièces ?

C. V. : Souvent, ce genre de connexions ne sont pas là au départ, et on les découvre a posteriori. Ces créateurs ont ici en commun d’être des artistes qui s’affirment autour d’une question récurrente : celle du partage de l’espace. Chez Vincent Dupont, l’espace se remplit de cartons, le territoire se partage entre l’humain et l’objet. Dans Oilinity, une grande tache d’huile se répand petit à petit, et transforme l’espace des danseurs. Andante partage l’espace en utilisant une sorte de toile qui remonte jusqu’au public avec des fumées, des parfums… Quant à Submission, c’est le sujet de la pièce : le partage du mouvement entre deux personnes, alors même que le partage du territoire est une question prégnante en Israël.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement


Refuge, de Vincent Dupont
du mardi 8 janvier 2019 au vendredi 11 janvier 2019
Théâtre des Abbesses
51 rue des Abbesses, 75018 Paris

Tél. : 01 42 74 22 77.


à 20h.


Oilinity, de Kát Valastur, du 14 au 16 janvier 2019 à 20h.


Andante, d’Igor et Moreno, du 18 au 20 janvier 2019 à 20h.


Submission, d’Adi Boutrous, du 24 au 26 janvier 2019 à 20h.


 


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