Théâtre - Critique

Jan Karski (Mon nom est une fiction)

Jan Karski (Mon nom est une fiction) - Critique sortie Théâtre


Comme c’est souvent le cas avec les mises en scène d’Arthur Nauzyciel, Jan Karski (Mon nom est une fiction) est loin de placer les spectateurs dans une position d’aise ou de confort. Adaptée du roman écrit par Yannick Haenel sur la vie du résistant polonais Jan Karski (qui a notamment contribué à révéler aux Alliés la réalité du génocide juif perpétré par les Nazis), cette proposition assume les longueurs et les ressassements d’une représentation théâtrale lourde de sens. Il faut dire que le metteur en scène ne fait pas, ici, simplement œuvre de théâtre. A travers ce spectacle créé en juillet 2011, au Festival d’Avignon, il convoque également les fantômes de son histoire personnelle, histoire liée à la Pologne (sa famille a émigré en France dans les années 1920) et à la déportation (son oncle et ses grands-parents font partie des rescapés du camp d’Auschwitz-Birkenau).
 
Le théâtre comme espace de mémoire et de réparation
 
Suivant la construction en trois parties du livre dont il s’empare, Arthur Nauzyciel prend lui-même en charge le début de la représentation. Dans une performance d’une tenue et d’une économie exemplaires, il se réapproprie sur scène des propos de Jan Karski tirés du film Shoah. Tranchant avec la grande sobriété qui prévalait jusque-là, un surprenant numéro de claquettes (exécuté sur un air traditionnel juif) vient clôturer ce premier volet de façon extrêmement touchante. Suit la voix off de Marthe Keller qui résume l’ouvrage écrit par le résistant en 1944 (Story of a Secret State) pendant qu’une vidéo de l’artiste polonais Miroslaw Balka suit interminablement, jusqu’à nous donner la nausée, le tracé du ghetto de Varsovie projeté en gros plan. Enfin, Jan Karski (incarné par Laurent Poitrenaux) nous livre des confessions fictives, laissant périodiquement la danseuse Alexandra Gilbert prendre part, de manière corporelle, à ce travail sur la mémoire et la réparation. Tout cela dure 2h30 et n’évite aucune redite, aucun détour. Au risque de créer quelques sensations d’étirement. Mais l’une des grandes qualités de cette mise en scène réside pourtant dans cette façon de ne pas céder à la tentation de l’efficacité pour tracer la voie d’un geste de théâtre ample. Un geste de théâtre libre et sans concession.
                                                                                                                        
Manuel Piolat Soleymat

Jan Karski (Mon nom est une fiction), d’après le roman de Yannick Haenel (éditions Gallimard) ; mise en scène et adaptation d’Arthur Nauzyciel. Du 8 au 19 février 2012. Du mardi au samedi à 20h45, le dimanche à 17h. Les Gémeaux, Scène nationale de Sceaux, 49, avenue Georges-Clémenceau à Sceaux. Tél : 01 46 61 36 67. Durée : 2h30. Spectacle vu en juillet 2011, au Festival d’Avignon.

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