Théâtre - Critique

J’ai pris mon père sur mes épaules de Fabrice Melquiot, mis en scène par Arnaud Meunier

J’ai pris mon père sur mes épaules de Fabrice Melquiot, mis en scène par Arnaud Meunier - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point


de Fabrice Melquiot / mes Arnaud Meunier

« La vie m’a peu donné. Je perds pas grand-chose. » Ces mots, Roch les prononce posément. A l’instar des autres personnages de J’ai pris mon père sur mes épaules, cet homme condamné par une maladie incurable n’est habité d’aucune colère. Il vit les mois qu’il lui reste à vivre dans une cité de la banlieue de Saint-Etienne, sans fuir l’âpreté du quotidien, mais sans esprit de ressentiment. De plain-pied avec les difficultés et les réconforts d’une existence qui n’a jamais rien eu de doré. A ses côtés, son fils Enée, qui a organisé pour lui un dernier voyage vers l’inconnu d’un Far-West fantasmatique. Egalement Anissa, Grinch, Bakou, Céleste, Mourad, voisines et voisins de différentes générations qui partagent son destin d’écrasé, d’oublié de notre modernité. On est en 2015. La réalité des attentats du 13 novembre va venir transpercer la fiction de ce mélodrame épique interprété par Rachida Brakni, Riad Gahmi, Vincent Garanger, Nathalie Matter, Bénédicte Mbemba, Maurin Ollès, Frederico Semedo et Philippe Torreton.

Lyrisme poétique et âpreté du quotidien

Au sein d’une mise en scène instaurant un très bel équilibre entre netteté réaliste et sensibilité de l’imaginaire, ces huit comédiennes et comédiens (Philippe Torreton joue le rôle de Roch, Maurin Ollès celui d’Enée) font preuve d’une grande puissance d’incarnation. Juste, profonde, d’une habileté sans esbroufe, l’épopée contemporaine qu’ils composent nous parle d’une France habituellement reléguée à l’ombre et au silence. Cette France que l’on dit d’en bas, peuplée de citoyens de seconde zone, apparaît ici en pleine lumière. S’inspirant très librement de l’Enéide de Virgile, Fabrice Melquiot a conçu un texte (publié chez L’Arche Editeur) qui ne se laisse jamais aller au pathos. Un texte dont l’une des caractéristiques est même de faire la part belle à l’humour. « Ce que j’aime regarder, c’est la faiblesse qui se fait force, c’est le détail qui brûle au long cours », déclare l’auteur. Ce regard alliant lyrisme poétique et finesse politique est précieux. Il fait du bien à notre époque.

Manuel Piolat-Soleymat

A propos de l'événement


J’ai pris mon père sur mes épaules
du mercredi 13 février 2019 au dimanche 10 mars 2019
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris.

à 20h30. Relâche les lundis et le 17 février. Les dimanches à 15h. Durée de la représentation : 2h55. Spectacle vu le 31 janvier 2019 à la Comédie de Saint-Etienne. Tél. : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr.


Egalement du 6 au 8 février 2019 au Théâtre de Nîmes, du 13 au 23 mars aux Célestins - Théâtre de Lyon, les 27 et 28 mars à la Scène nationale d’Annecy, les 2 et 3 avril aux Théâtres de la Ville de Luxembourg, du 9 au 11 avril à la Comédie de Saint-Etienne, du 16 au 18 avril à la Scène nationale de Sète, du 24 au 26 avril au CDN de Rouen, les 9 et 10 mai au Théâtre de Villefranche, du 16 au 18 mai au Théâtre du Gymnase à Marseille, le 24 mai à la Maison des arts de Thonon-les-bains.


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