Danse - Critique

Into the hairy de Sharon Eyal & Gai Behar plonge au cœur de nos émotions

Into the hairy de Sharon Eyal & Gai Behar plonge au cœur de nos émotions - Critique sortie Danse Paris


La Villette / chor. Sharon Eyal et Gai Behar

Hairy comme hirsute, ou comme touffu si l’on veut qualifier un problème, et pas seulement capillaire. Into the Hairy (À l’intérieur de la chevelure) n’a peut-être donc rien de La Chevelure baudelairienne, et beaucoup de notre société actuelle et de sa complexité. C’est un effet d’enchevêtrements qui ouvre cette création en forme de septuor, où l’on retrouve, bien sûr, la signature de Sharon Eyal (et de son co-auteur Gai Behar), avec ses petits pas sur demi-pointes, les genoux légèrement pliés, mais qui libère les torses dans toutes les directions, plutôt que les soumettre à un unisson impeccable. Mais, malgré les arabesques que forment ces corps kaléïdoscopiques, sortes de filles-fleurs d’un nouveau genre, leur beauté est plutôt vénéneuse. Dans les replis de brume artificielle creusée par des ombres, nous distinguons les fantômes de la guerre, de la ruine, de l’effondrement. Et la chorégraphe israélienne a beau affirmer qu’il s’agit encore d’amour, Into The Hairy fait plutôt penser à une situation aussi sombre qu’inextricable.

Un air d’apocalypse

C’est une chorégraphie de fin du monde. Et pour changer la donne, exit Ori Litchik avec lequel Eyal collaborait presque depuis toujours pour sa musique aux accents technos affirmés, et bonjour Koreless, un DJ et compositeur britannique appartenant à la nouvelle génération des compositeurs de musique électronique. Ce dernier mixe dans un flux sonore spatialisé des instruments à cordes africains, des éclats de combats aériens, un espace aquatique et une boîte à rythme qui se fait de plus en plus pressante. Car voilà, très vite, des leaders émergent de cette houle mouvante qui symbolise un collectif actif, type ruche ou plutôt fourmilière, comme le soulignent les costumes aux reflets noirs et miroitants de la styliste Maria Grazia Chiuri (DIOR couture). On imaginerait presque des élytres et des antennes, se déployant à partir d’un centre tenu par un couple qui compte bien – semble-t-il – mettre tout le monde au pas avant de s’entre-dévorer comme tous les tyrans. En donnant à sa chorégraphie une couleur plus politique, Sharon Eyal voudrait-elle ainsi affirmer une nouvelle radicalité ? Reste que Into the Hairy est une œuvre fascinante, virtuose, magnétique et puissante.

Agnès Izrine

A propos de l'événement


Into the hairy
du vendredi 12 avril 2024 au dimanche 14 avril 2024

La Villette, Grande Halle, 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris. Chaillot - Théâtre national de la Danse hors les murs

Le 12 avril à 20h, le 13 à 18h, le 14 à 16h.


Tél. : 01 53 65 30 00. Durée : 1h.


Spectacle vu au Festival Montpellier Danse le 23 juin 2023.


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