Théâtre - Critique

Iliade

Iliade - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville


Théâtre de Belleville / d’après Homère / mes Pauline Bayle

Au chant VIII de L’Odyssée, tandis que l’aède Démodocos rappelle la geste héroïque qui ensanglanta la plaine d’Ilion, Ulysse voile régulièrement sa tête pour pleurer, alternant écoute et libations, piété et pitié. Pauline Bayle et les siens réussissent à produire, de manière hallucinante, le même mélange d’admiration et d’horreur chez le spectateur. On est obnubilé par les combats, fasciné par la kyrielle des noms des héros, hilare face aux démêlés érotiques et politiques des Olympiens, qui manipulent l’avidité sanglante des Troyens et des Grecs. On voit rarement autant d’irrévérence drolatique alliée à un sens aussi aigu du tragique : l’adaptation que signe la jeune Pauline Bayle atteste d’une connaissance parfaite du texte et de ses enjeux anthropologiques et dramaturgiques. Florent Dorin, Alex Fondja, Jade Herbulot, Yan Tassin et Charlotte Van Bervesselès – tous excellentissimes – passent avec une aisance confondante d’un rôle à l’autre. Ils sont Zeus et Héra, Poséidon, Thétis et Aphrodite, et l’instant d’après, Patrocle, Ulysse, Achille, Hector, Priam ou Diomède.

Maturité et audace, intelligence et beauté

Acteurs et actrices, débarrassés des oripeaux de leurs genres, incarnent indifféremment héros et héroïnes. D’un accessoire, d’un geste, d’un regard, ils changent de personnage avec une prestesse stupéfiante. Quelques chaises, des paillettes, du sang et de la poussière font les armes, les murs de Troie et la colère du fleuve Scamandre. L’espace vide, épuré et simple, sert de cadre à un brillant exemple de ce « théâtre immédiat » que Peter Brook considère comme l’aboutissement de l’art de la scène. Les comédiens – jeunes, beaux, sincères, investis, intenses, protéiformes – retrouvent l’oralité homérique, ses litanies et ses épithètes, sa poésie hypnotique, et rompent brutalement avec l’antique pour un discours au vocabulaire contemporain, provoquant des effets de contraste jubilatoires. La mise en scène cache sa sophistication sous une apparence économe et simple. L’ensemble fait naître des images magnifiques et révèle un sens aigu du rythme et de l’enchaînement. Ce spectacle témoigne de l’éclatant talent des jeunes gens qui l’interprètent et le dirigent : à ne manquer sous aucun prétexte !

Catherine Robert

 

A propos de l'événement


Iliade
du mercredi 25 novembre 2015 au samedi 6 février 2016
Théâtre de Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris, France

Le mardi à 21h15 ; du mercredi au samedi à 19h ; dimanche à 17h. Relâches le 29 novembre, les 13, 24 et 25 décembre, du 31 décembre au 6 janvier inclus, les 8, 10 et 12 janvier. Tél. : 01 48 06 72 34. Durée : 1h20.


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