Théâtre - Entretien

Christian Benedetti

Christian Benedetti - Critique sortie Théâtre Alfortville Théâtre-Studio d’Alfortville


Théâtre-Studio d’Alfortville / d’après Anton Tchekhov / mes Christian Benedetti

« Il n’y a rien de plus subversif que cela : laisser le libre-arbitre au spectateur… »

 

 

On voit, dans votre projet de mettre en scène l’intégralité des pièces de Tchekhov, une façon d’interroger la représentation et, plus globalement, le théâtre. Comment, à travers Trois sœurs, creusez-vous de nouveau cette interrogation sur la forme ?

Christian Benedetti : En allant dans le même sens que  pour La Mouette et Oncle Vania, c’est-à-dire en élaborant une scénographie dépouillée, allusive, qui renvoie à un espace de répétition. Une scénographie qui revient à des moyens plus simples, plus prosaïques que ne le ferait une représentation purement cinématographique des choses. Tout le théâtre de Tchekhov tend d’ailleurs à cela : une économie de moyens pour questionner le monde.

 

Et souvent, chez Tchekhov, le questionnement vaut davantage que la réponse…

Ch. B. : Oui. Les Trois sœurs est une pièce chorale, la première « pièce de troupe » de Tchekhov. Elle fait intervenir une multitude de personnalités, une succession de cercles concentriques qui visent à appréhender un « grand tout ». Tout cela est très complexe, car il faut savoir se confronter à des questions qui, effectivement, resteront peut-être sans réponse. Parfois, face à ces questions, on ne comprend même pas ce que l’on n’a pas compris… Il faut affronter cela ensemble, avec le spectateur, sans prétendre qu’on est plus avancé ou plus intelligent que lui. Je crois que mettre en scène le théâtre de Tchekhov, c’est partager des questionnements avec ceux qui le regardent, c’est essayer de poser les meilleures questions possibles, les questions les plus justes.

 

Vos mises en scène de La Mouette et d’Oncle Vania vous ont-elles permis d’aborder Les Trois sœurs d’une manière différence de celle qui aurait pu être la vôtre il y a trois ans ?

Ch. B. : Sans doute, car ces deux spectacles m’ont appris que la seule certitude que l’on peut avoir, lorsque l’on travaille sur une pièce de Tchekhov, c’est justement que l’on ne peut pas avoir de certitude. La Mouette et Oncle Vania m’ont fait creuser un chemin d’intranquillité par rapport à mes propres questionnements, m’ont amené à faire un pas de côté, pour essayer de voir derrière les choses. Chez Tchekhov, comme chez Bond, il n’y a pas de réponses toutes faites. Il faut donc essayer de se débarrasser du superflu, pour faire confiance à l’essentiel : la pensée et l’être humain qui la porte.

 

Qu’est-ce qui, au final, constitue pour vous le pivot des Trois sœurs ?

Ch. B. : C’est la fulgurance du sens. Cette pièce nous amène à affronter l’implacable. Car elle met en lumière un monde qui, sans s’en apercevoir, est en train de disparaître. Tchekhov nous montre la roue de l’histoire qui se répète, explore tous les visages de l’humanité sans les juger. Il pose des questions qui sont absolument renversantes, sans jamais tenter d’orienter notre regard. Et, finalement, il n’y a rien de plus subversif que cela : laisser le libre-arbitre au spectateur afin qu’il puisse se mettre à réfléchir.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

 

* D’après Les Trois sœurs, texte français d’André Markowicz et Françoise Morvan, Actes Sud / Babel.

A propos de l'événement


Trois sœurs
du lundi 11 novembre 2013 au samedi 14 décembre 2013
Théâtre-Studio d’Alfortville
16 rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville
Du 11 novembre au 14 décembre 2013. Du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 19h30. Représentation exceptionnelle le lundi 11 novembre. Relâche du 19 au 23 novembre. Tél. : 01 43 76 86 56.

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