Human (articulations)

« J’ai buté j’ai buté Buté d’dans buté. Là. Juste là. J’ai buté à c’t’endroit. » :
tels sont les premiers mots de Human (articulations), pièce de cirque
signée Christophe Huysman. Des êtres qui butent, oui, contre les teigneux
cailloux de l’existence, c’urs écorchés sur quelques pierres fatales du destin.
Des êtres qui tombent, à front renversé, joyeux et précaires, dans les failles
de la vie. Dans un espace sombre quadrillé de verticales et d’horizontales,
quelques personnages sans papiers, sans grade, sans couleur, sans avenir
bricolent une existence en résistance, joueurs funambules sur fil cruel du rire.
Tournoyant autour d’un mât chinois, enfourchant des aiguilles géantes ou
grimpant sur une échelle, six comédiens circassiens déjouent la marche du temps
et la gravité, tandis que le verbe gambade par bribes, rebondit entre tragique
et burlesque, enjambe les non-sens, glisse par esprit d’escalier et se retrouve
cul par-dessus tête. L’écriture, proche de la poésie sonore parfois, zappe d’un
locuteur à l’autre, s’articule, percute les maux de notre temps, la politique
foireuse, et, et? Et puis cabriole, roule des calembours ou joue des mécaniques.

« Je n?abdiquerai pas, je voudrai toujours tout »

Auteur, acteur, metteur en scène, Christophe Huysman déplace les limites de
la scène, tressant théâtre, cirque et poésie pour esquisser les contours de la
figure humaine aux prises avec son chaos. Cet artiste « expérimental »
poursuit d’?uvre en ?uvre une démarche singulière au sein de son « Laboratoire
mobile » : aller à la rencontre du monde, se laisser bouleverser par les
griffures du réel, le frisson d’un regard ou s’amuser de l’absurde ordinaire.
Collecter des fragments de vécu, petits instantanés de son théâtre documentaire.
Chez lui, la parole jaillit comme une matière à concasser pour extraire d’entre
les lettres la force bruissante de la vie et l’insuffler sous la peau…
Human (articulations) vibre comme un insolent et joyeux coup de gueule face
aux cyniques bon teint, face à la déferlante de l’information massive, face à la
« désinvolture lyrique » qui vitrifie la détresse sous le vernis de l’ironie. Le
corps, déséquilibré, malmené, épuisé, se fait capteur sensible des
bouleversements du monde. Il dit l’extraordinaire vertige, douleur, joie,
incompréhension, déroute, effroi? L’extraordinaire humanité, envers tout. A
brûle-pourpoint.

Gwénola David

Human (articulations), du au 30 juin, à 19h30, sauf le mardi à 21h,
relâche dimanche et lundi, dans le cadre de Auteurs de cirque, au Théâtre
Paris-Vilette, Parc de la Villette, 75019 Paris. Rens. 01 40 03 75 75 ou 01 40
03 72 23 et www.villette.com. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2006. Durée :
1h15. Texte publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs sous le titre Pièces
de cirque.