Un Jean Gabin et un Lino Ventura, tous deux âgés de soixante ans. Voilà la façon dont Denis Lachaud envisage, au sein de ses didascalies, le couple de pères (interprété par John Arnold et Christian Caro, aux côtés de Valentin de Carbonnières, Yvon Martin et Bertrand Farge) placé au centre d’Hetero*, une pièce ouvrant nos imaginaires à un monde uniquement peuplé d’hommes. En prenant pour modèles ces deux parangons de virilité, l’auteur dramatique (également romancier) souhaite sans doute, d’emblée, bannir de son texte toute idée de féminité, tout rapprochement possible avec les caricatures bas de gamme parfois associées à l’homosexualité. Ici, les hommes sont des hommes, pleinement masculins, en apparence totalement identiques les uns aux autres. Pourtant, cette société fictive est, comme la nôtre, divisée en deux catégories : les individus ayant pour fonctions sociale et biologique d’enfanter ; les autres, chargés de travailler pour subvenir aux besoins de leur famille. Cette segmentation induit des rapports de force, d’autorité, de domination qui – c’est l’objet de ce pamphlet – nous renvoient au sexisme ayant cours dans notre monde, lui, bien réel.
Une farce militante qui finit mal
Les parallèles s’établissent d’eux-mêmes : un mariage imposé, un fiancé harcelé parce qu’il refuse de sacrifier sa carrière sur l’autel de la famille, un système de pression sociale conduisant droit au drame. Tout, dans Hetero, vient pointer du doigt les injustices et les violences faites aux femmes à l’intérieur des sociétés machistes. Et si le texte pèche parfois par excès de facilités burlesques, excès d’effets didactiques, cette démonstration par l’absurde n’en reste pas moins un manifeste féministe implacable. Pour lui donner corps, Thomas Condemine a pris le risque d’une représentation à la théâtralité forte (les interprètes, comme s’ils étaient masqués, ont le visage entièrement grimé en blanc ; des projections de peinture viennent, de façon surréaliste, maculer acteurs et décor…). Plaçant dos à dos grotesque et tragique, cette parodie militante s’applique à détourner les codes des comédies de boulevard. Tout ne fonctionne pas toujours. On frôle par moments le chaotique et le surjeu. Mais reconnaissons au jeune metteur en scène le mérite d’avoir échappé aux autoroutes des modes actuelles pour signer une proposition des plus personnelles. En ces temps de suivisme, de conformisme esthétique, cet esprit d’indépendance fait plaisir à voir.
Manuel Piolat Soleymat
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