Théâtre - Entretien

Haute surveillance

Haute surveillance - Critique sortie Théâtre Paris Studio de la comédie française


Studio de la Comédie-Française / de Jean Genet / mes Cédric Gourmelon

Vous avez déjà monté Haute surveillance mais aussi Le Funambule, Le Condamné à mort, et vous projetez de créer Les Paravents. Peut-on parler d’une fascination pour Jean Genet ?

Cédric Gourmelon : Peut-être au départ, puis cela s’est rationnalisé, même si Genet reste un écrivain qui me passionne. Quand j’étais élève comédien, on m’a offert Notre-Dame-Des-Fleurs, son premier roman, grâce auquel j’ai découvert non pas la littérature car je lisais auparavant, mais l’art littéraire. Comme je faisais du théâtre, j’ai lu sa première pièce, Haute surveillance. Elle m’apparaissait très mystérieuse, mais, étant plus courte que les autres, je me suis dit que j’allais la monter, ce que j’ai fait à l’école du Théâtre national de Bretagne, puis à Rennes et au TGP. Aujourd’hui, il s’agit de ma deuxième mise en scène de cette pièce, avec 20 ans d’écart.

Qu’est-ce qui vous semblait mystérieux à l’époque et vous paraît plus clair maintenant ?

C G. : Haute surveillance contient certaines énigmes qui se sont éclaircies peu à peu comme l’épisode du lilas. En réécoutant le récit de Maurice sur l’arrestation de Yeux verts, un récit que lui-même a dû raconter plusieurs fois en cellule, Yeux verts se rend compte que l’indice qui l’a trahi, c’est le lilas oublié dans les cheveux de sa victime. Cela le plonge dans des failles spatiotemporelles et c’est ainsi qu’il peut reprocher à Maurice de ne pas avoir été là alors qu’il ne le connaissait pas encore. On rejoint là une forme de mystique où le temps devient relatif et où le poème l’emporte sur le récit. Mais le plus grand mystère reste celui de la forme de la pièce qui ne ressemble à aucune autre. C’est une sorte de messe, et rien que saisir cela, la théâtralité de Genet finalement, demande du temps. Cela n’a pu m’apparaître qu’après avoir lu toutes ses œuvres, dont certaines plus accessibles.

« Une messe au service de la poésie et du mystère du crime. »

 

Quelle serait cette messe ? Que célèbre-t-on ?

C G. : On célèbre la sainteté du criminel pur, le crime absolu. Toute la quête est de devenir un criminel totalement. Lefranc essaie de le devenir, la pièce lui sert à cela, mais à la fin on se rend compte qu’il ne l’est pas parce qu’il a choisi de le devenir. Un vrai criminel est celui sur qui le malheur arrive, il n’a plus le choix, et cela a quelque chose de magique. C’est un saint à l’envers, dans le mal. Une volonté du négatif de la société morale, bourgeoise, dont Genet essaie de prendre le contrepied. La quête de Genet est de découvrir ce qui se passe dans la tête du criminel au moment où il tue. Une messe au service de la poésie et du mystère du crime.

Ce renversement des valeurs n’est possible que grâce au langage, non ?

C G. : Tout à fait. Genet lui-même était en prison pour des petits vols, pas du tout pour les mêmes raisons que ces purs criminels qui le fascinait et dont il découpait les photos dans les journaux. Aujourd’hui, la subversion s’est déplacée : ce n’est plus tant la morale inversée que la langue lyrique, sacrée, à laquelle on est obligé de se confronter. On ne peut pas décaler Genet ou le mettre à distance. Genet voulait que les délinquants, le personnel de maison dans Les Bonnes, les déclassés, Les Nègres, parlent un beau langage parce qu’il était convaincu que tous les êtres avaient au fond d’eux-mêmes cette poésie et ce lyrisme que seuls l’éducation, les codes, la société empêchaient de fleurir chez tout le monde.

Propos recueillis par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


Haute surveillance
du samedi 16 septembre 2017 au dimanche 29 octobre 2017
Studio de la comédie française
99 Rue de Rivoli, 75001 Paris, France

Tél : 01 44 58 98 58.


 


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