Théâtre - Critique

Haute surveillance

Haute surveillance - Critique sortie Théâtre Paris Studio-Théâtre de la Comédie-Française


Studio-Théâtre de la Comédie Française / de Jean Genet / mes Cédric Gourmelon

La première image est superbe : dans la pénombre, le Surveillant pousse avec un balai une sorte de tourbe noire qui laisse apparaître un plateau blanc. Ses gestes sont lents. Peu à peu la chorégraphie s’éclaire : ce qu’il dessine au sol, ce sont les quatre murs d’une cellule. Le huis clos peut se nouer entre Yeux-Verts, Maurice et Lefranc, les trois prisonniers décrits par Jean Genet dans Haute surveillance, sa première pièce écrite à la maison d’arrêt de Fresnes en 1942 et remaniée jusqu’à sa mort. Il n’est jamais facile de monter Genet : le lyrisme de la langue, la densité des textes, la complexité et l’ambiguïté des thèmes rendent ses pièces aussi mystérieuses que belles. Pour sa première collaboration avec la Comédie-Française, on peut compter sur Cédric Gourmelon pour ne pas commettre de contresens. Ebloui par Notre-Dame-des-Fleurs vers 20 ans, il ne cesse depuis de monter cet auteur. A seulement quarante ans, c’est déjà sa deuxième mise en scène de Haute surveillance, après Le Condamné à mort, Splendid’s et Le Funambule.

 

Genet en noir et blanc

 

Cette familiarité avec l’univers de Genet lui vaut de réussir l’exercice périlleux d’éclairer la polysémie des mots et la multiplicité des lectures. Récit carcéral ? Poème lyrique récité entre codétenus ? Manipulation de Yeux-Verts à l’égard du surveillant qui regarde toute la scène à travers son œilleton ? Histoire d’hommes travaillés par la tension (homo)sexuelle ? Dans la mise en scène de Cédric Gourmelon, tous ces registres sont présents même si celui qui domine est à l’évidence le caractère cérémoniel de la pièce. La stylisation des lumières et des corps, le parti pris du noir et blanc, la musique de Purcell sont tout autant de codes qui contribuent à célébrer la sainteté du « criminel pur » qui fascinait tant Genet. Pourtant, à force d’épure, le spectacle finit par manquer de chair. S’il n’est pas question de jouer Genet de façon réaliste, on voudrait sentir un peu plus « la bidoche, le sang, les larmes, la sueur, la merde » dont parle l’auteur dans son essai sur Rembrandt. Sébastien Pouderoux (Yeux-Verts) a le physique idéal mais manque encore un peu de maturité pour incarner pleinement la fascination exercée par son personnage. Aux côtés des excellents Pierre Louis-Calixte (le Surveillant) et Jérémy Lopez (Lefranc), celui qui explose vraiment est Christophe Montenez (Maurice), renversant de sensualité et d’ambiguïté.

 

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


Haute surveillance
du samedi 16 septembre 2017 au dimanche 29 octobre 2017
Studio-Théâtre de la Comédie-Française
99 Rue de Rivoli, 75001 Paris, France

Tél. : 01 44 58 15 15.


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