Théâtre - Critique

Guillaume Barbot présente « Art majeur » qui vise à ausculter le rapport à la chanson

Guillaume Barbot présente « Art majeur » qui vise à ausculter le rapport à la chanson - Critique sortie Théâtre Paris Studio-Théâtre de la Comédie-Française


Studio-Théâtre de la Comédie-Française / Textes de Pauline Delabroy-Allard, Emmanuelle Fournier-Lorentz, Simon Johannin et Gilles Leroy / Mise en scène de Guillaume Barbot

Avant que les comédiens et musiciens d’Art majeur ne prennent place au creux de l’élégante bulle de bois conçue par le scénographe Benjamin Lebreton, la voix de Serge Gainsbourg rappelle une des précédentes pièces de théâtre musical créées au Studio-Théâtre de la Comédie-Française : Serge (Gainsbourg point barre) (2019), par Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux. Le ton bagarreur, comme prêt à en découdre, le chanteur soutient à un Guy Béart convaincu du contraire que la chanson est un « art mineur », en comparaison avec la peinture qu’il place au-dessus de tout. Prononcées en 1986 lors de l’émission « Apostrophe » de Bernard Pivot, ces paroles qui ouvrent Art majeur promettent une réflexion musclée, passionnée, sur les relations qu’entretiennent la chanson et la vie. Le metteur en scène Guillaume Barbot, fondateur de la compagnie Coup de Poker, tente d’y parvenir en confiant l’exploration non pas à des chanteurs mais à des auteurs, espérant certainement d’eux des regards renouvelés et décalés sur la matière qui l’intéresse. Pauline Delabroy-Allard, Emmanuelle Fournier-Lorentz, Simon Johannin et Gilles Leroy se voient alors reliés chacun à un interprète du spectacle : dans l’ordre, Léa Lopez, Axel Auriant, Thierry Hancisse et Véronique Vella. L’objet de la commande est précis : il s’agit de leur écrire à la première personne un texte de 12 minutes maximum à la lecture, sur une chanson qui aurait changé la vie du narrateur. Art majeur multiplie ainsi les exercices et les déplacements – le premier étant d’amener à la chanson les comédiens du Français –, dont les riches intentions peinent à se concrétiser sur scène avec l’intensité promise par Gainsbourg.

Un tour théâtral de la chanson française

Alternant chansons de styles et d’époques diverses – des morceaux récents de Fauve, Camille, Juliette Noureddine ou Juliette Armanet en côtoient de plus anciens, de Jacques Brel, Françoise Hardy, Christophe, Gérard Manset – et monologues de factures elles aussi très hétérogènes, Art majeur multiplie trop les matières pour dessiner un chemin précis et singulier dans son sujet. Nous sommes loin de Et si je n’avais jamais rencontré Jacques Higelin (2021), où Guillaume Barbot mettait en scène son complice de longue date Zoon Besse dans un récit autobiographique très subtil où la musique tient toujours une place centrale. Il manque à Art majeur l’évidence et la force du lien qu’entretient Zoon Besse avec Jacques Higelin, ainsi que le naturel de l’entrelacement entre théâtre et musique. Si dans le solo, les divers éléments mis en présence formaient un tout, ils cohabitent ici plutôt sous le régime de la juxtaposition. Les bribes de vie racontées par les interprètes échouent à prendre consistance au milieu des nombreuses chansons du spectacle, qui bien que bénéficiant de la présence du compositeur et musicien Pierre-Marie Braye-Weppe présent sur toutes les créations de Coup de Poker peinent également à prendre beaucoup d’envergure. Car faute d’assumer pleinement leur non-professionnalisme en matière de chant, les acteurs de cet Art majeur perdent l’occasion de creuser leur sujet d’une manière sensible.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Art majeur
du jeudi 21 mars 2024 au dimanche 5 mai 2024
Studio-Théâtre de la Comédie-Française
Galerie du Carrousel du Louvre, place de la Pyramide inversée, 99 rue de Rivoli, 75001 Paris

du mercredi au dimanche à 18h30, relâches les 30 et 31 mars. Tel : 01 44 58 15 15. Durée : 1h15.


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