Théâtre - Critique

Frédéric Bélier-Garcia met en scène Royan – La professeure de français de Marie NDiaye

Frédéric Bélier-Garcia met en scène Royan – La professeure de français de Marie NDiaye - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Ville - Espace Cardin


Espace Cardin

« Nous avons demandé cette nouvelle pièce à Marie, pour Nicole, avec juste quelques mots : une solitude, une trahison, le souvenir » précise Frédéric Bélier-Garcia, qui a déjà mis en scène Hilda (2002) et Honneur à notre élue (2017) de l’écrivaine, Prix Goncourt 2009 avec Trois femmes puissantes. À partir d’un drame, le suicide d’une adolescente au sein de son lycée, le texte donne la parole à la professeure de français de l’élève, en un monologue qui se noue au plus profond de l’intime, de la mémoire, quasi malgré soi. Désespérés, les parents de la jeune fille lui rendent visite à son domicile afin de tenter de trouver un sens au malheur. Rentrant chez elle après sa journée de travail, l’enseignante se fige. Elle a perçu les signes d’une présence intruse devant son palier et comprend immédiatement. Elle commence alors à parler, à leur parler, en affirmant qu’elle n’a rien à leur dire. « Oui je sais que vous êtes là….. » dit-elle. Étonnant lieu qu’un hall d’immeuble pour laisser s’élever une parole adressée à des endeuillés. Façonné par le talent et l’expérience de Jacques Gabel pour le décor et Dominique Bruguière pour les lumières, l’endroit impersonnel et réaliste, entre-deux transitoire entre le refuge de l’espace privé et l’exposition de l’espace public, devient ici le lieu d’une confession singulière, pétrie de contradictions, dévoilée entre innocence revendiquée et accablement, entre déni et reconnaissance, presque à son corps défendant.

Infinie solitude

Il faut une comédienne de la trempe de Nicole Garcia pour jouer cette solitude d’une infinie tristesse, qui laisse affleurer les prisons du passé, les gouffres intérieurs, qui laisse aussi apparaître les faillites individuelles et collectives dans l’appréhension du harcèlement, les engrenages cruels des salles de classe, ainsi qu’un troublant jeu de miroir entre l’élève et la professeure. C’est par le refus du dialogue avec les parents que débute le monologue dense, âpre, incandescent, qui ne cède à aucune facilité, qui ne cherche pas à rendre le personnage aimable, qui laisse de furieux motifs antiques s’immiscer dans le quotidien. Sobrement dirigée par son fils Frédéric Bélier-Garcia, pour la première fois exposée dans un seule en scène, la comédienne interprète la professeure avec maestria, laissant émerger ses ambivalences, ses troubles, sa fragilité et aussi sa brutalité. Comme dans une sorte de crypte où planerait le fantôme de Daniella, les blessures enfouies resurgissent, la violence diffuse ou flagrante des relations humaines fait irruption. Cette « prière profane », cette « Déploration de Daniella », comme la qualifie Marie NDiaye, explore des sillons inavouables.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Royan – La professeure de français
du lundi 17 janvier 2022 au jeudi 3 février 2022
Théâtre de la Ville - Espace Cardin
1 avenue Gabriel, 75008 Paris

lundi 17 et du mardi au samedi à 20h  dimanche 30 à 15h, relâche les 23 et 24 janvier. Tél : 01 42 74 22 77. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2021. Durée : 1h10.


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