La Terrasse

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Théâtre - Critique

Frédéric Bélier-Garcia met en scène Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre et L’Affaire de la rue de Lourcine sur des textes d’Ivan Viripaev puis Eugène Labiche

Frédéric Bélier-Garcia met en scène Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre et L’Affaire de la rue de Lourcine sur des textes d’Ivan Viripaev puis Eugène Labiche - Critique sortie Théâtre Paris 75012 Paris
Jean-Charles Clichet, Camille Chamoux et Stéphane Roger dans Les Guêpes… © Pascal Victor / ArtcomPress

La Tempête / textes de Ivan Viripaev puis Eugène Labiche / mes Frédéric Bélier-Garcia

Publié le 28 octobre 2019 - N° 281

Frédéric Bélier-Garcia dirige finement ses acteurs dans deux pièces qui ont en commun l’enquête policière, le vaudeville et l’absurde.

« Qui est venu passer l’après-midi du lundi avec Sarra ? » se demande son mari, Robert. Si c’était Markus, comme elle le prétend, pourquoi l’ami du couple, Donald, soutient que ledit Markus était chez lui ? Tel est le point de départ de la pièce d’Ivan Viripaev, qui signe une comédie aussi cocasse qu’absurde, où les personnages peuvent manger des index, tenir des propos antiféministes ou réagir tragiquement à une pluie de trois jours. Mais la comédie aux allures de vaudeville vire rapidement à la fatigue ontologique tandis que la vérité reste toujours fuyante. Dans Les Guêpes de l’été nous piquent toujours en novembre, on ne saura pas à la fin où était le fameux Markus ni même si les trois amis n’auraient pas joué à un jeu qui se termine en rires et en chatouilles. La fin reste ouverte et mystérieuse, sans doute la meilleure façon d’illustrer l’angoisse métaphysique très présente dans cette pièce héritière de Sarraute, Pinter ou Beckett. Des références évidemment absentes chez Labiche, né quelque 159 ans avant Viripaev, même si Frédéric Bélier Garcia voit en L’Affaire de la rue de Lourcine ce même « face-à-face avec notre golem personnel, notre être désastreux ou ‘désastré’, cette pelote de fils emmêlés tissée de nos obsessions, nos peurs, nos fantasmes, nos manquements, nos défaillances. » De fait, les personnages de la pièce de Labiche, eux aussi, recherchent frénétiquement la vérité, à savoir : les deux amis Lenglumé et Mistingue ont-ils, au cours d’une soirée arrosée, assassiné une petite charbonnière ?

Une mise en miroir réussie

Frédéric Bélier Garcia présente les deux pièces dans un décor quasi identique, et prend quelques libertés avec la comédie de Labiche : la chicha et le cambouis remplacent la pipe et le charbon, le texte est raccourci et débarrassé des « sapristi » et autres mots fleurant le XIXe siècle. Outre un rythme allegro, il en résulte une modernité qui épouse parfaitement celle de Viripaev, au point que la phrase de la pièce de Labiche, « Il y a une lacune dans mon existence », pourrait aussi bien figurer dans l’autre. Sans forcer le trait, le metteur en scène réussit son pari de mettre en miroir ces deux pièces écrites à plus d’un siècle d’écart, avec pour principaux atouts ses comédiens, finement dirigés, notamment le trio Camille Chamoux, Jean-Charles Clichet et Stéphane Roger qui passent aisément d’une écriture à l’autre, de situations vaudevillesques au vide existentiel, du rire à la mélancolie.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre et L’Affaire de la rue de Lourcine
du vendredi 8 novembre 2019 au dimanche 1 décembre 2019
75012 Paris
La Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 28 36 36. Spectacle vu au Quai d’Angers en octobre 2019. Durée : 1h45.

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