Tarakna, la parole des femmes berbères

Porté par la voix sublime de Kahina Afzim, le projet Tarakna magnifie la poésie des femmes kabyles. Chants berbères et musique électro-acoustique se répondent en une transe originale. Tarakna, en langue amazigh, décrit le tapis tissé sur lequel on se retrouve pour partager le thé et le pain. Un moment secret, où les femmes dialoguaient la nuit venue. Tout semblait alors possible. Sous-titré « Avant que le soleil se lève », les contes et poèmes choisis ont été collectés par l’anthropologue Tassadit Yacine et l’écrivain Malek Ouary. Transmise de mère en fille, cette poésie anonyme évoque les histoires d’union non consenties et d’amours cachées. Défendre ce registre aujourd’hui constitue un acte de résistance. Grâce à son écriture contemporaine, Kahina Afzim a souhaité s’émanciper de la culture traditionnelle et donner une portée symbolique nouvelle à ses textes.

Des musiciens passionnés d’Orient

Chanteuse et joueuse de qanun, une cithare sur table, Kahina s’inscrit dans la tradition du griot, en redonnant à cette littérature orale amazigh sa forme chantée. Pour ce faire, elle a demandé à Nicolas Beck d’assurer la direction artistique du projet et d’en composer les arrangements. Joueur de tarhu et de guitare électrique, il a visité la Méditerranée d’Est en Ouest. Toutes ses expériences musicales, notamment avec L’Hijaz’Car, lui permettent aujourd’hui de réaliser une création autour de ces poèmes. Ensemble, ils s’entourent de deux passionnés d’Orient aussi ancrés dans les musiques actuelles, le violoncelliste Théophile Joubert et le percussionniste Bastian Pfefferli. Férus de musique occitane, ils apportent une musicalité et un regard neufs. Faire vivre ces chansons et installer des ambiances propices à la contemplation est le propos de ce groupe ; son souci permanent est de porter la voix de Kahina Afzim. Tissant des ponts entre l’Europe et l’Algérie, Tarakna n’est jamais à court d’idées, grâce aux talents d’improvisateurs de ses membres. Une bien jolie façon de chanter l’amour véritable.

Philippe Deneuve