L’ambition de Robin Renucci à La Criée : joie, partage et paix

Pourquoi appeler « complices » les artistes associés ?

Robin Renucci : Parce que nous avons un chemin à faire ensemble, que chacun puisse suivre à son rythme de production et de création, selon un équilibre réfléchi et consenti. Souvent, l’association tourne à la cooptation : je veux plutôt un groupe, une bande avançant sur la même voie humaniste. Marseille est au bord de la mer Méditerranée, qui est le grand cimetière que l’on sait. La Criée est à l’avant-poste, sur le port. Le lien à la nature est comme une évidence. Le premier axe de mon projet est donc la naturalité. Mais celui-ci n’est rien sans le deuxième : l’humanité, dont Marseille est un bouillonnant chaudron. Vient ensuite la socialité, dans cette ville qui compte les quartiers les plus pauvres et les plus riches d’Europe. Les artistes et les penseurs qui nous accompagnent sont tous sensibles à ces questions. Mon quatrième axe est l’individuation. Je crois possible de faire de La Criée un lieu d’éducation et de formation, une piste d’envol, un terrain de jeu, pour que chacun exerce son droit à exprimer sa singularité et à faire partie du jeu collectif.

« Le théâtre est un acte, pas une bâtisse. »

Quel combat mène cette troupe complice ?

R.R. : D’abord et avant tout celui du débat, qui – entendons ce mot – permet de défaire la bataille. Nourrissons l’opposition créatrice autour des œuvres, de la pensée, sans laquelle il n’y a ni démocratie, ni république. La résistance est lumière (exactement comme dans les ampoules !), création et opposition à tout ce qui veut dissocier. Faire résistance par la création, par l’art, pour l’humanité. Rendons les droits culturels désirables pour que chacun assouvisse son désir de participer au banquet commun. À l’encontre de la globalisation qui écrête, faisons vivre la mondialisation véritable, celle qui emprunte au mundus romain où chacun venait déposer une poignée de sa terre natale au centre de la Ville. Un théâtre doit offrir à chacun de venir y déposer sa singularité.

Quelles caractéristiques a cette première saison ?

R.R. : Ses grands chapitres sont ceux que dictent les artistes et les œuvres. Mais aussi les séries afin de jouer plus longtemps pour ne pas toucher seulement les avertis, et des spectacles gratuits pour que le public ne soit pas fait que d’habitués. J’espère créer la demande pour ne pas tout réduire à l’offre. Ainsi, jouer hors les murs, pour que La Criée ne soit pas enclose dans un bâtiment. Le théâtre est un acte, pas une bâtisse. Je veux aussi tout répéter et tout construire à Marseille : cette implantation est fondamentale. Insister aussi sur la présence des cinq élèves-comédiens de l’ERACM, pour, par et parce que la jeunesse !

Cette année, vous montez À la paix ! Pourquoi ?

R.R. : Évidemment pour Aristophane mais évidemment aussi pour Serge Valletti, avec qui j’ai actualisé le texte. Comment libérer cette paix retranchée en nous ? Pourquoi les hommes font-ils la guerre ? La paix est au cœur de cette opposition créatrice que j’appelle de mes vœux. Être ensemble, manger ensemble, retrouver le sens des outils de la paix. Le 16 septembre, nous ouvrons en musique avec de la nourriture, et une cuvée À la paix ! Aristophane parle de la joie qu’apporte la paix : je veux que nous trinquions ensemble au banquet de l’humanité !

Propos recueillis par Catherine Robert