Élie Martin-Charrière, batteur, trace sa route et lance son nouveau projet, Era #P

Génération Spedidam
Publié le 25 octobre 2024 - N° 326Révélé auprès du saxophoniste Pierrick Pedron, ce batteur éveillé au jazz depuis l’enfance lance en décembre son nouveau projet, Era #P.
Comme d’Obélix, dont il n’a toutefois ni la corpulence de porteur de menhir, ni l’esprit gaulois, on pourrait dire d’Elie Martin-Charrière qu’il est « tombé tout petit » dans la marmite. La marmite ? Celle du jazz. Mère pianiste, père contrebassiste ; une batterie miniature entre les mains avant de savoir marcher ; des dimanches à baigner dans les classiques du jazz, guidé par l’oreille paternelle qui en enseignait l’histoire au conservatoire ; des baby-sittings au fond des clubs et la « sensation du jazz » qui fait partie de son « écosystème » dès le plus jeune âge… Comment s’étonner qu’Elie Martin-Charrière soit l’un des batteurs les plus demandés de sa génération ? D’abord autodidacte, son apprentissage est passé par des cours en école de musique, puis un cursus au conservatoire de Chalon-sur-Saône. Enfant du pays, il traine dans les coulisses du festival Jazz à Beaune, où il côtoie quelques seigneurs du genre. Il s’y sent tellement à la maison qu’à peine âgé de huit ans, le voici qui se met à jouer sur une batterie destinée à Stéphane Huchard, lequel débarque sourcil froncé, avant de congratuler le gamin qui lui a chipé sa place. À l’adolescence, Élie est naturellement des bœufs qui se déroulent en marge du festival. Le jazz est une aspiration qui l’amène, en 2013, à Paris pour intégrer le département jazz du Conservatoire National Supérieur de Musique. De ses années passées au cœur de cette filière d’excellence, il retient plusieurs choses. D’abord, la certitude que, s’il ne se prend pas en main, « rien ne va tomber tout seul » et que si la vocation est un atout, être musicien est un pari risqué pour lequel il faut se donner toutes les chances. Ensuite, une rencontre déterminante, avec Dré Pallemaerts, qui enseigne alors la batterie au sein de l’institution. Entre les deux hommes, peu d’échanges sur la technique mais une relation basée sur l’écoute et le dialogue, à l’antique. De son disciple, Pallemaerts écrit désormais qu’il est « une voix belle et inspirante ». Enfin, le CNSM aura été pour Martin-Charrière un formidable vivier de complices musicaux, « 90 % des gens avec qui [il] joue » sont d’anciens condisciples, du pianiste Mark Priore, dont le trio est largement salué depuis quelque temps, à l’accordéoniste Noé Clerc, en passant par le pianiste Carl-Henri Morisset et le contrebassiste Etienne Renard avec qui il avait formé H!, l’un de ses premiers groupes.
Répertoires durs et salles pleines
Parmi ceux qui ont fait confiance au jeune diplômé, on trouve le contrebassiste Thomas Bramerie, rencontré dans les jams de Jazz à Beaune, qui l’a fait participer à son album « Side Stories » avec Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo, mais surtout le saxophoniste Pierrick Pedron qui, depuis 2017, l’a pris sous son aile et lui a confié la place occupée, sur disque, par deux batteurs référence : Gregory Hutchinson et Marcus Gilmore. « Pierrick a créé ma carrière de jeune batteur », pointe Elie Martin-Charrière. « Il m’a fait confiance pour remplacer deux musiciens que j’admire… Les répertoires sont durs et les salles sont pleines ! C’est une expérience extrêmement formatrice. » L’aventure auprès de Pedron se poursuit avec la sortie imminente de « The Shape of Jazz to Come (Something Else) », un album dans lequel le saxophoniste revisite la musique d’Ornette Coleman. « C’est un monument auquel on s’attaquait. Il fallait trouver un son, une affirmation, être le plus généreux possible. Enregistrer ce disque a changé ma manière d’entrer dans la batterie », confie-t-il. En parallèle, Élie Martin-Charrière se repositionne leader. Après un premier EP en 2020, un album en forme de bilan paru en 2022, le voici qui s’apprête à présenter, sur scène et sur disque, un projet intitulé « Era #P ». « Après être allé vers énormément de complexité, j’ai finalement voulu jouer une musique plaisir, porté par le bonheur de jouer en groupe », commente-t-il. Placé sous l’égide de la lettre P, amorce d’une liste de hashtags, de pouvoir en potentiel, de pattern (de batterie) en paix, ce groupe se veut participatif et paritaire, ouvert à la création collective et mettant deux musiciennes, la claviériste Nina Gat et la flûtiste Christelle Raquillet, au même plan que deux musiciens, le bassiste Elvin Bironien et lui-même. Un effort « pour faire avancer la place des femmes », dans un groupe plus électrique, qui se veut aussi un hommage à Prince, où le batteur laisse voir ce qu’il doit à Chris Dave et à l’influence du hip-hop. « Une volonté radicale de tenter autre chose », dit-il. Savoir se remettre en question : une qualité de grand musicien, qui n’attend pas le nombre des années.
Vincent Bessières
A propos de l'événement
Élie Martin-Charrièredu mercredi 11 décembre 2024 au vendredi 28 mars 2025
En concert, le 11 décembre, au Studio de l’Ermitage, à Paris ;
le 16 janvier 2025 à La Vapeur, à Dijon ;
le 18 janvier au Crescent Jazz Club, à Mâcon ;
le 25 mars, à l’IMFP, à Salon-de-Provence ;
le 28 mars, au Petit Duc à Aix-en-Provence.
Nouvel album : « Era #P », sortie le 13 décembre.