Au Théâtre Garonne, « GLITCH WITCH » ou le désir d’être ensemble avec Meg Stuart, Omagbitse Omagbemi, Mieko Suzuki

Théâtre Garonne / Chorégraphie Meg Stuart, Omagbitse Omagbemi, Mieko Suzuki / Musique Mieko Suzuki
Rencontre Meg Stuart, Omagbitse Omagbemi, Mieko Suzuki
Publié le 24 septembre 2024 - N° 325
GLITCH WITCH a été initié par une commande du Dance On Ensemble, une compagnie composée d’interprètes de plus de 40 ans, afin de créer un solo pour la danseuse Omagbitse Omagbemi, en complicité avec Meg Stuart, présente sur scène. Cette dernière a invité Mieko Suzuki à se joindre à elles en tant qu’interprète, musicienne et compositrice, transformant le solo en un trio fascinant. Fruit d’une collaboration soutenue depuis 2011 avec Meg Stuart et sa compagnie Damaged Goods, le Théâtre Garonne coproduit et accueille la première mondiale de ce spectacle.
Pourquoi ce titre, GLITCH WITCH ?
Meg Stuart : Nous aimions l’assonance entre ces deux mots, dont l’un évoque l’idée d’un problème inconnu (glitch) et l’autre la sorcière (witch). C’est un trio pour trois femmes très fortes qui se rencontrent à travers une sorte de rétro-fiction futuriste. Je joue avec la notion de jeter des sorts, mais aussi de les briser, les « sorts » étant ce qui est codé ou imprimé en nous, par notre histoire ou notre généalogie, tout en imaginant que la solidarité entre femmes constitue la base de notre rencontre.
Vous travaillez avec le Dance On Ensemble composé de danseurs de plus de 40 ans. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Omagbitse Omagbemi : Dans la majorité des ballets, à 40 ans, vous êtes prié de partir. Donc vouloir danser malgré tout, c’est déjà un engagement fort, de par notre désir d’apprendre ou de nous exprimer. Travailler avec d’autres artistes de 40 à 65 ans, c’est une sensation merveilleuse, nous avons vécu tellement de choses dans notre carrière d’interprètes que nous éprouvons une sorte de gratitude de pouvoir continuer. C’est une forme d’émulation très puissante et très bénéfique.
« Quel est le nom que l’on donne à une femme âgée ? La Sage ? Non. Plutôt la vieille sorcière ! »
GLITCH WITCH interroge le partage du processus créatif. Comment vous répartissez-vous les rôles ?
O.O. : Nous collaborons à la création à partir de structures d’improvisation. C’est particulièrement vrai pour le son. Nous développons notre chorégraphie en même temps que Mieko enrichit sa partition.
Mieko Suzuki : Nous nous inspirons mutuellement. Je reçois des informations à partir des mouvements d’Omagbitse, ou de Meg, puis je leur renvoie mon ressenti musical. Parfois c’est moi qui suis à l’initiative, j’ajoute des éléments sonores ou musicaux et elles imaginent comment changer leur gestuelle. Et je me suis mise à danser par surprise, c’est passionnant pour moi d’être sur le plateau. Je découvre une autre approche de la profondeur du son, de sa vitesse, ses effets.
M.S. : Ce sont différents niveaux de rencontres, dans un dialogue à égalité avec la musique, la scénographie, et la lumière, capitale pour moi, car elle nous transporte dans une autre réalité. L’enjeu est de renforcer nos pouvoirs et de nous émanciper mutuellement, en mettant en œuvre des stratégies. Nous essayons d’être semblables sans y parvenir, nous nous connectons avec ce manque, cette résistance, cette tension, et nous chérissons nos différences, tout en ne lâchant jamais ce désir passionné d’être vraiment liées, dans toute notre complexité. Et c’est exactement là qu’est le « glitch », le grain de sable !.
Pensez-vous que le regard porté sur les femmes d’un certain âge puisse être différent du regard porté sur les hommes ?
M.S. : Je pense qu’il y a du travail à effectuer, en tant que femmes, pour trouver et revendiquer notre force et notre place. Nous sommes des femmes mûres, qui ont une histoire, inscrite dans nos corps, avec nos connaissances, et ça s’imprime dans notre travail commun. Mais, nous ne dansons pas sur scène pour le regard masculin. Pour moi, il s’agit surtout d’une performance queer féministe où nous sommes vraiment nous-mêmes pour nous-mêmes. Quel est le nom que l’on donne à une femme âgée ? La Sage ? Non. Plutôt la vieille sorcière ! Alors bien sûr, aujourd’hui, nous sommes toutes, dans la réalité de notre vie comme dans celle de l’humanité, dans une sorte d’« after party ». Comment allons-nous continuer ne signifie pas que nous sommes censées prendre notre retraite et aller dans un endroit sympa au milieu de nulle part. Nous avons un savoir à partager et à transmettre, comme une renaissance, ou une célébration.
Propos recueillis par Agnès Izrine
A propos de l'événement
GLITCH WITCHdu mercredi 16 octobre 2024 au vendredi 18 octobre 2024
Théâtre Garonne - Scène européenne
1, avenue du Château d'eau, 31300 Toulouse
à 20h. Tél. : 05 62 48 54 77. Durée 1h30.