« Fajar » d’Adama Diop ou l’odyssée de l’homme qui rêvait d’être poète

Depuis ses débuts en tant que comédien en France, en 2008, le Sénégalais Adama Diop formé au Conservatoire de Montpellier puis de Paris a fait un beau chemin. Très tôt, il obtient des rôles importants, dans des pièces aussi bien classiques que contemporaines : dans Sainte-Jeanne des Abattoirs de Bernard Sobel, dans le Lorenzaccio d’Yves Beaunesne, auprès du duo formé par Marion Aubert et Marion Guererro… Sa carrière fait un bond lorsqu’il rejoint Julien Gosselin sur 2066, avant d’incarner le rôle principal du Macbeth de Stéphane Braunschweig en 2018, de vivre l’aventure marquante de Bajazet auprès de Frank Castorf, d’intégrer La Cerisaie de Tiago Rodrigues ou encore d’être le personnage éponyme du Othello de Jean-François Sivadier… Avec Fajar ou l’odyssée de l’homme qui rêvait d’être poète, l’artiste revient à la mise en scène, qu’il a brièvement pratiquée à l’issue de ses études, et surtout il s’affirme comme auteur. Au plateau avec un singulier quatuor à cordes – de profils très divers, ses membres jouent pour les uns de l’alto et du violon, pour les autres du ngoni et de la flûte mandingue –, Adama Diop nous emmène sur les pas de Malal, un jeune Sénégalais qui rêvait d’une autre vie, celle de poète.

Une traversée de toutes les frontières

« Pour écrire Fajar, je me suis un peu inspiré de mon trajet de jeune immigré sénégalais rêvant d’être acteur, mais bien naïf des réalités en France : la perte de repères, le manque du pays, le racisme. J’avais envie de naviguer entre différentes esthétiques de la langue : le scénario, la poésie, le conte », explique Adama Diop. Pour raconter le parcours de Malal, il déploie une écriture très musicale où le wolof et le français se côtoient en toute fraternité. Entouré de trois musiciens – il est la quatrième voix du quatuor –, il déploie sa partition dans un univers visuel, réalisé par le cinéaste Alain Gomis. D’abord très scénaristique, sa performance évolue vers le conte, vers le rêve où s’engouffre, où s’enferme Malal après la mort de sa mère. S’éloignant de ses amis, délaissant sa femme pour les créatures qu’il rencontre dans son monde parallèle, il se lance dans la quête d’autres mondes possibles. « J’ai eu envie d’écrire une histoire qui se déroulait à Dakar, cette ville chaude et bruyante dans laquelle j’ai grandi. Et ainsi de raconter l’histoire d’un homme avant qu’on l’enferme dans le mot ‘’migrant’’ ».