Extraordinaires

« Les personnages de Poe, ou plutôt le personnage de Poe, l’homme aux facultés suraiguës, l’homme aux nerfs relâchés, l’homme dont la volonté ardente et patiente jette un défi aux difficultés, celui dont le regard est tendu avec la roideur d’une épée sur des objets qui grandissent à mesure qu’il les regarde, – c’est Poe lui-même. », disait Baudelaire, de la traduction duquel Agathe Mélinand a adapté l’œuvre du poète. Laurent Pelly, codirecteur avec elle du Théâtre National de Toulouse, met en scène le spectacle qu’elle a ainsi composé. Les six comédiens de l’Atelier volant, avec lesquels les deux artistes entament leur troisième collaboration, servent de guides dans ce voyage à travers les mondes aux merveilles effroyables d’Edgar Allan Poe.

Raconter l’humain dans sa folie

« Des châteaux sinistres au milieu de paysages désertiques, des personnages solitaires, déséquilibrés, pris dans des tempêtes effrayantes, des eaux mortes, des ensevelissements prématurés » : voilà pour le décor fantastique imaginé pour ce spectacle, même si l’univers de Poe ne se réduit pas aux éléments de cette névrose embrumée. Car Poe est également un infatigable rieur qui, « pour échapper à sa propre folie latente, actionne la soupape de sécurité de la drôlerie ». Revers obscur d’une féérie lumineuse, Poe invente un cauchemar sublimé, mystérieux et envoûtant, qui « raconte l’humain dans sa folie ». « Récurrence de thèmes obsessionnels arrachés à la vie du poète, fantasmes, visions, délires, souvenirs, perte de la femme aimée et irremplaçable enlevée par la mort, solitude, terreurs, alcool, magnétisme et ameublement… » : tels sont les thèmes qu’Agathe Mélinand a choisi d’agencer, Laurent Pelly donnant vie à ces sidérations extraordinaires à la surnaturelle intranquillité.

Catherine Robert