Théâtre - Entretien

Eternelle tragédie

Eternelle tragédie - Critique sortie Théâtre Cergy-Pontoise Théâtre 95


Théâtre 95 / Bérénice / de Jean Racine
Entretien Yannick Landrein

Qu’est-ce qui vous a convaincu de mettre en scène la tragédie de Bérénice?

Yannick Landrein : Bérénice est une pièce vraiment à part dans l’oeuvre de Racine. Elle est la pièce dans laquelle l’indignation, le violent sentiment d’injustice vis-à-vis de la société sont les plus prégnants. Le citoyen que je suis ne pouvait pas être insensible, au vu des récents évènements socio-politiques, aux cris de révoltes contenus dans ce texte. Et puis il y a ce que symbolise Titus, l’Héritier, et son incapacité de faire des choix importants pour son avenir. La problématique du choix, le mal lancinant de notre génération, étant le fil conducteur de cette tragédie, il m’est apparu comme une évidence que mettre en scène Bérénice nous permettrait de pouvoir éclairer notre jeunesse d’un autre feu.

« Un théâtre qui fait prendre conscience à celui qui s’en approche, acteur ou spectateur, de sa responsabilité et de son impuissance. »

Quelle est la force du théâtre de Racine selon vous?

Y. L. : Je dirais qu’elle réside dans sa capacité à créer des gouffres, à poser des questions existentielles qui appellent pour réponse une grande vérité qui mettrait tout le monde d’accord, mais qui malheureusement, et c’est bien là la tragédie, n’existe pas. Cette dimension-là est unique dans le paysage tragique, ni les auteurs antiques ni Corneille n’ont osé aller aussi loin, et laisser les spectateurs sans résolution divine ou morale. C’est un théâtre qui fait prendre conscience à celui qui s’en approche, acteur ou spectateur, de sa responsabilité et de son impuissance.

En quoi Bérénice est-elle selon vos termes « le manifeste de la révolution théâtrale voulue par Racine« ?

Y. L. : Dans sa préface, Racine écrit: « Toute l’invention consiste à faire quelque chose à partir de rien « . A l’époque, les mauvaises langues ont dit que c’était donc une tragédie dans laquelle il ne se passait rien, idée d’ailleurs encore assez répandue aujourd’hui. Or Racine parle bien de « faire quelque chose« . Quoi ? Inventer. Réinventer le théâtre. Il parle bien sûr de celui de son époque, celui de Corneille, cette tragédie emphatique, spectaculaire, invraisemblable, et vieillissante… Mais il parle aussi du nôtre, évidemment. Par son dépouillement radical, Bérénice symbolise ce « rien » à partir duquel quelque chose peut arriver.

Comment avez-vous abordé la direction d’acteurs?

Y. L. : Avec Pauline Huruguen, Julien Bouanich, Stanley Weber, Julie Moulier, Florent Dorin et David Houri, nous sommes partis du principe que la tragédie ne s’interprète pas, mais qu’elle va se chercher. Je leur ai donc demandé d’oublier leurs réflexes et leurs idées reçues sur l’interprétation de la  tragédie. Et j’ai abordé le travail selon une méthode empruntée au clown. Au-delà de l’aspect technique, il est fondamental pour moi que les comédiens puissent imaginer et comprendre les enjeux de chaque personnage, sans recul, sans préjugé, mais avec surprise, dénuement et spontanéité.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement


Bérénice
du mardi 8 octobre 2013 au vendredi 18 octobre 2013
Théâtre 95
Allée du Théâtre, 95021 Cergy-Pontoise cedex 21.
Théâtre 95, Allée du Théâtre, 95021 Cergy-Pontoise cedex 21. Du 8 au 18 octobre à 20h30, jeudi à 19h, dimanche à 16h, relâche le lundi. Représentations scolaires à 14h30. Tél : 01 30 38 11 99.

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