Théâtre - Entretien

Erich von Stroheim

Erich von Stroheim - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg


Entretien / Stanislas Nordey / Théâtre national de Strasbourg / de Christophe Pellet / mes Stanislas Nordey

Vous dites que, pour vous, aborder cette pièce de Christophe Pellet représente un risque. Sur quoi repose cette mise en danger ?

Stanislas Nordey : La première difficulté vient du fait qu’Erich von Stroheim (ndlr, le texte est publié chez L’Arche Editeur) est une pièce extrêmement sombre. Il faut donc parvenir à embarquer les acteurs dans les tréfonds d’eux-mêmes. J’ai ainsi essayé d’être au plus noir de ce que l’on pouvait être, mais un noir brillant, un noir acéré, pour ne pas créer un spectacle sinistre ou mélancolique. La pièce de Christophe Pellet est un cri. Au moment où il l’écrit (ndlr, en 2005), il y a quelque chose qui déborde de lui pour porter un regard sur le monde et les relations amoureuses. La seconde difficulté réside dans la façon de mettre en scène l’extrême finesse de ce qui se déploie dans ce triangle amoureux.

Car Erich von Stroheim aborde frontalement la question de la sexualité…

St. N. : Oui, ce qui n’est pas forcément dangereux en soi, mais la manière dont le texte nomme les choses, le trouble qui lie le personnage de la femme à tout ce qui est sexuel ne doit pas tomber dans la facilité. De façon générale, lorsque je crée une pièce, j’aime qu’elle me fasse peur. J’aime me retrouver fasse à une montagne à gravir. Je crois que lorsqu’on s’empare de l’écriture de Christophe Pellet, il n’y a pas vraiment de demi-mesure possible. Si on ne met pas dans le mille, l’échec risque d’être total…

Qu’est-ce qui fait, selon vous, la spécificité de cette écriture ?

St. N. : Sans doute sa grande force littéraire. Chez Christophe Pellet, on n’est pas dans le feuilleton. Malgré le fait que l’enjeu littéraire ne soit pas ce qui apparaît à la première lecture, lorsqu’on creuse cette écriture, on se rend compte qu’elle est incroyablement ciselée.

« Erich von Stroheim, en racontant l’impossibilité et le vertige d’être à deux, tend un miroir à la fois magnifique et terrifiant au public. »

Qu’est-ce qui relie au monde les trois personnages d’Erich von Stroheim ?

St. N. : Si cette pièce s’appelle Erich von Stroheim, c’est parce que l’un des personnages, qui s’appelle L’Autre, prend comme modèle Erich von Stroheim, un artiste qui a pu échapper aux normes de la société, qui a pu exister à côté, en dehors, autrement… A l’inverse, les deux autres personnages – aussi bien Elle, une femme d’affaires très préoccupée par le succès, que L’Un, un acteur de films pornographiques qui, lui aussi, réussit très bien dans son domaine – s’intègrent totalement dans la société. A côté de la description des rapports amoureux, Christophe Pellet parle de la façon dont on s’inscrit, en tant qu’homme ou femme social-e, au sein du monde du travail. Et il montre la violence que cela peut induire.

Quel regard portez-vous sur les rapports de pouvoir qui se déploient à l’intérieur de ce trio ?

St. N. : Ce que je trouve très beau, c’est que ces rapports de pouvoir sont mouvants. Ils sont apparemment définis au départ, mais ils n’arrêtent pas de changer. La pièce pose la question du couple. Erich von Stroheim, en racontant l’impossibilité et le vertige d’être à deux, tend un miroir à la fois magnifique et terrifiant au public. Cela, à travers une construction qui ouvre toutes les portes : il est question des rapports entre un homme et une femme, entre deux hommes, entre une femme et deux hommes. Et pourtant, ce n’est ni une pièce sur l’homosexualité, ni une pièce sur le triolisme, ni même une pièce sur le couple strictement hétérosexuel. Christophe Pellet parvient, de manière très subtile, à faire naître un ensemble de situations à travers lesquelles tout le monde peut s’identifier.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Erich von Stroheim
du mardi 31 janvier 2017 au mercredi 15 février 2017
Théâtre National de Strasbourg
1 Avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg, France

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche 12 février à 16h. Relâche les lundis et le dimanche 5 février. Tél. : 03 88 24 88 24. www.tns.fr.


 


Egalement du 14 au 25 mars 2017, au Théâtre national de Bretagne, du 4 au 6 avril Théâtre du Gymnase à Marseille, du 25 avril au 21 mai au Théâtre du Rond-Point, du 29 mai au 2 juin 
à la MC2: Grenoble - Scène nationale.


A lire aussi sur La Terrasse

  • Théâtre - Agenda

Binôme

Une manifestation stimulante fondée sur la [...]

Du jeudi 26 janvier 2017 au 28 janvier 2017
  • Théâtre - Agenda

Les Epoux

Indissociables, on les appelait « Les [...]

Du jeudi 26 janvier 2017 au 27 janvier 2017
  • Danse - Gros Plan

Faits d’Hiver

Que ce soit dans un simple carré sur un [...]

Du jeudi 12 janvier 2017 au 9 février 2017