Théâtre - Entretien

Entretien / Robert Lepage

Entretien / Robert Lepage - Critique sortie Théâtre Nantes Le Grand T


Le Grant T – Nantes / Les Aiguilles et l’Opium / Texte et mise en scène Robert Lepage

Dans Les Aiguilles et l’Opium, plusieurs récits s’entrelacent. Comment se sont-ils noués dans ce spectacle, créé en 1991 ?

Robert Lepage : Cette pièce est en effet née à la croisée de plusieurs histoires. A cette époque, je travaillais sur la Lettre aux Américains que Jean Cocteau rédigea en 1949, dans l’avion qui le ramenait à Paris après un séjour de deux semaines à New York. Dans ce texte ponctué d’anecdotes cocasses et surréalistes, le poète révèle les différences entre la vision du monde des Français et celle des Américains. Parallèlement, en lisant l’autobiographie de Miles Davis, publiée en 1991, j’ai découvert que, cette même année 1949, le trompettiste passait deux semaines à Paris, invité au Festival de jazz, et vivait une brève et intense aventure amoureuse avec la chanteuse Juliette Gréco. Il y avait donc cette coïncidence : un Américain à Paris et un parisien à New York qui, tous deux, livraient leurs réflexions. Ainsi m’est venue l’idée d’un spectacle qui évoque le jazz et le Saint-Germain-des-Prés des années 50, la poésie de Cocteau, l’Amérique et la France. C’est alors que j’ai vécu une rupture amoureuse très douloureuse. Les trois récits se sont mêlés autour d’un personnage en pleine déroute sentimentale qui, curieusement, se nomme Robert, et réalise la voix off d’un documentaire sur le Saint-Germain-des-Prés d’après-guerre. Il se retrouve à Paris en exil, dans la fameuse chambre numéro 9 de l’hôtel La Louisiane où se sont aimés Juliette Gréco et Miles Davis 30 ans auparavant…

La solitude se cogne ici aux images et autres chimères. La prolifération des mondes virtuels qui envahissent nos vies offre-t-elle une échappatoire ?

R. L. : Pas vraiment. Je sens personnellement qu’une profonde solitude gagne notre nouvel ordre du monde. Les gens se donnent l’illusion de ne pas être seuls, de pouvoir rencontrer l’âme sœur ou d’appartenir à une communauté en multipliant les contacts sur les réseaux sociaux. C’est un mirage.

Votre prochaine création, 887, explore la mémoire. Ce thème revient souvent…

R. L. : Le sujet est tellement vaste ! 887 est le numéro du bloc où se trouvait notre appartement entre 1960 et 1970. C’est durant cette décennie que le Québec a pris conscience de son identité et a mené ses premières tentatives de libération. J’avais envie de questionner la mémoire que j’ai de mon enfance, non seulement de ma vie de famille, de mon éducation, mais aussi de ces événements-là. De quoi se souvient-on au juste ? Les Québécois se souviennent-ils vraiment de leur histoire, de cette époque-là, si importante dans les débats politique et les enjeux de société ? Qu’est-ce qu’une identité culturelle ? Poser cette question par le théâtre m’intéresse car c’est un art et un exercice de la mémoire, aux sens propre et figuré.

 

Entretien réalisé par Gwénola David

 

A propos de l'événement


Les Aiguilles et l’Opium
du mercredi 14 janvier 2015 au samedi 28 février 2015
Le Grand T
84 Rue Général Buat, 44000 Nantes, France

Dans le cadre de Oupalaï, saison culturelle québécoise Nantes / Le Mans / Loire-Atlantique / Pays de la Loire. Du 14 au 24 janvier 2015, à 20h, sauf vendredi 20h30, samedi 19h, dimanche 15h, relâche lundi. Tél. : 02 51 88 25 25.


Puis tournée au Mans et au Havre. Et aussi, en avant-première, 887, Le Lieu unique à Nantes, du 24 au 28 février 2015.


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