Théâtre - Entretien

Entretien Laurent Gachet Le cirque des origines

<p>Entretien Laurent Gachet<br>
Le cirque des origines</p> - Critique sortie Théâtre


Votre démarche vise à retrouver le cirque des origines. Pourquoi ce retour
aux sources ?

Un questionnement a guidé la recherche : qu’est-ce que le cirque, une fois
dépouillé du romantisme fellinien, des paillettes de l’imagerie populaire, de
ses codes de représentation et de ses savoir-faire ? En tant qu’art, porteur
d’une vision du monde et d’une nécessité existentielle, le cirque constitue
fondamentalement un rituel profane de conjuration de la conscience de notre
finitude : la prouesse, parce qu’elle brave les lois naturelles de la gravité et
les possibilités humaines « normales », transpose poétiquement le combat
permanent contre l’inéluctable de notre disparition. Or notre société évacue la
mort, par la médicalisation du corps ou la contractualisation des obsèques. D’où
l’importance de retrouver ces moments collectifs autour de la piste, ces formes
ritualisées de l’affrontement de l’homme face à la nature, face à son destin,
pour dépasser le tabou de la mort.

« Le cirque constitue fondamentalement un rituel profane de
conjuration de la conscience de notre finitude. » 

Comment avez-vous transposé le mythe du labyrinthe ?

Ce mythe résonne doublement. D’une part, il pose la question de la création
et de la responsabilité Dédale, architecte de génie tente d’atteindre l’essence
divine et l’éternité par la création et la trace que laissera son ?uvre. Il
utilise son savoir humaniste pour dépasser sa condition de mortel. Mais son
labyrinthe est destiné au Minotaure qui dévore les enfants d’Athènes. Dédale
bute sur un dilemme : doit-il tenir compte de l’utilisation que le pouvoir fera
de sa création ou se contenter de sa géniale invention ? Le coryphée, messager
de l’Olympe, lui propose de voir le devenir de son ?uvre pour le mettre face à
son libre arbitre. Le mythe me paraît beaucoup ici plus intéressant qu’une
approche symbolique parce qu’il n?apporte ni morale, ni solution. D’autre part,
le Minotaure représente notre part sombre, dominée par le grouillement
désordonné des instincts. La quête de Thésée montre métaphoriquement qu’il faut
aller au c’ur du labyrinthe pour rencontrer la bête et dominer notre part
d’animalité. C’est ainsi qu’on devient homme et qu’on peut s’insérer dans le
monde, entrer en lien avec l’autre, malgré ses différences.

Quel a été le processus de travail avec les artistes ?

Une des difficultés pour les artistes de cirque consiste à allier l’exécution
de la prouesse, qui mobilise tout le corps et l’esprit, au jeu dramatique,
d’autant plus quand les figures reprennent des acquis ou des « routines » collés
sur la dramaturgie. Nous avons donc déconstruit le vocabulaire traditionnel et
les techniques habituelles, afin d’inventer un langage gestuel et acrobatique à
partir de la trajectoire des personnages, en nous appuyant sur de nouveaux agrès
qui mettent le corps et l’esprit dans la même situation émotionnelle. La
performance acrobatique devient ici métaphore de notre condition humaine.

Entretien réalisé par Gwénola David

Dédale, conception et mise en scène de Laurent Gachet, du 7 mars au 6
mai, à 20h30, sauf dimanche 16h, relâche lundi et mardi, à l’Académie
Fratellini, Rue des Cheminots, Quartiers de Landy-France, 93210 Saint-Denis la
Plaine. Rés. 0 825 250 735.

A propos de l'événement




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