Classique / Opéra - Entretien

Entretien avec Myung-Whun Chung L’Orchestre Philharmonique de Radio France et la musique française



L’Orchestre philharmonique de Radio France met l’accent cette saison sur le
répertoire français. Est-ce une affirmation de son identité ?

Myung-Whun Chung : Choisir un répertoire est avant tout une question
d’équilibre, pour l’orchestre comme pour son public. La partie centrale du
répertoire, pour n?importe quel orchestre aujourd’hui, c’est le répertoire
germanique : Beethoven, Brahms, Mozart, Mahler? Mais en fait, il faut tout bien
jouer, aller jusqu’au fond de la pensée de chaque compositeur, comprendre
l’équilibre sonore propre à chaque tradition ; jouer Brahms à la manière
française ne m’intéresse pas du tout. Pour la musique française, notre rôle est
un peu particulier, nous devons donner l’exemple. Cette saison, nous faisons
beaucoup de tournées à travers le monde avec surtout des ?uvres françaises :
Daphnis et Chloé
de Ravel, que nous venons d’enregistrer, la Symphonie
fantastique
de Berlioz, le Requiem de Fauré? Nous enchaînerons la
saison prochaine avec un grand hommage à Olivier Messiaen.

« aller jusqu’au fond de la pensée de chaque compositeur, comprendre
l’équilibre sonore propre à chaque tradition »

L’orchestre a choisi Ravel comme fil conducteur de la saison.
Symboliserait-il plus qu’aucun autre la musique française ?

M.-W. C. : Sans doute, il n?y a pas de plus grand orchestrateur. C’est un
énorme plaisir pour un chef de travailler sur des couleurs qui n?existent pas
ailleurs. Mais il y a d’autres compositeurs qui montrent la sensibilité de cette
couleur, Fauré par exemple. On dit qu’il n?aimait pas beaucoup la musique
allemande, qu’il la trouvait trop brutale. Fauré, c’est une autre façon
d’entendre la musique, fascinante et subtile ? pour moi, la musique prend
vraiment une grande valeur quand on peut la jouer doucement, quand on entre dans
le dialogue intime. Avant même d’arriver en France et de diriger l’orchestre de
l’Opéra de Paris, j’avais un grand amour pour cette musique française, d’abord
comme pianiste puis comme chef d’orchestre.

Le concert du 9 mars mêle des ?uvres de Ravel au Sacre du printemps de
Stravinsky. Est-ce pour vous une façon de souligner les influences réciproques
entre compositeurs d’origines différentes ?

M.-W. C. : Oui, j’aime l’idée de ce grand échange qui nous permet de
trouver un équilibre musical qui est peut-être plus intéressant que de rester
dans son coin ; c’est l’aspect positif de la mondialisation. Pour l’orchestre et
moi, il est logique de jouer Ravel, Debussy ou Berlioz en tournée mais aussi
d’autres ?uvres qui sont très liées à la France, d’enregistrer Le Sacre
après Daphnis et Chloé et avant un autre disque consacré à Debussy.

Et parmi les ?uvres plus récentes ?

M.-W. C. : Je dirige moins de créations qu’auparavant. Je me souviens que
la première fois que j’ai vu une partition d’Olivier Messiaen, c’était quand
j’étais assistant de Carlo Maria Giulini à Los Angeles. Un jour, il me dit « Peut-être
que vous serez intéressé par ce compositeur, on m’a demandé de le faire, mais
pour moi c’est un peu tard
 ». C’était Messiaen, Les Offrandes oubliées.
Lui aussi avait fait des choses nouvelles quand il était plus jeune, mais par la
suite il avait fait son choix. J’approche un peu de cette étape.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

Vendredi 9 mars à 20h à la Salle Pleyel. Tél. 01 56 40 15 16. Places : 10 à
60 ?. En soliste dans le Concerto de Ravel : Georges Pludermacher.

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