Théâtre - Entretien

Emmanuel Meirieu met en scène Mon traître de Sorj Chalandon

Emmanuel Meirieu met en scène Mon traître de Sorj Chalandon - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux


D’après Mon traître et Retour à Killybegs, de Sorj Chalandon / adaptation en mes Emmanuel Meirieu

Que raconte l’histoire ?

Emmanuel Meirieu : Dans les années 1970, le jeune Sorj Chalandon est adopté par la bande de Serge July et de Libération. C’est un moment fort et particulier de l’histoire de l’extrême gauche française, tentée par la lutte armée avant d’y renoncer. Chalandon part alors en Irlande du Nord pour raconter sa guerre. Il rencontre Denis Donaldson, un des leaders de l’IRA, dont il tombe en amitié, en compassion et en fraternité comme on tombe amoureux. Il vit pendant trente ans au rythme de la lutte irlandaise. Jusqu’à ce que, lors d’une conférence de presse, il apprenne que son ami est un traître, agent des services secrets britanniques. Dans Mon traître, Chalandon raconte ce pays, ce peuple, ce combat, cet homme, sa trahison, et son assassinat, le lendemain de ses aveux, par une fraction dissidente de l’IRA. Dans le second roman, Retour à Killybegs, il fait parler le traître, en interrogeant ses raisons et ce qu’il pensait de ce petit Français qui adoptait une cause qui n’était pas la sienne. Comment pardonner, comment se pardonner : tel est le double thème du spectacle.

« Comment pardonner, comment se pardonner : tel est le double thème du spectacle. »

Ce spectacle compte 160 représentations. A-t-il évolué ?

E.M. : Voilà huit saisons et sept ans que nous vivons avec ce spectacle : il constitue un pan entier de nos vies. Jean-Marc Avocat, qui joue le rôle du traître, a rattrapé l’âge du rôle. Laurent Caron, le trahi, et Stéphane Balmino, le fils du traître, mais aussi toute l’équipe créative : nous avons tous vieilli en même temps que le spectacle. Nos sensations, nos émotions ont vieilli. Le temps travaille aussi le spectacle. Nous n’avons pas arrêté de travailler la technique. Le décor est de nuit et de pluie. Cela fait sept ans qu’on travaille cette pluie à la goutte près ! Le spectacle a gagné en maturité. Il s’est affiné au fil de sa maturation, de manière très concrète, comme un fromage ou un vin. Et je crois qu’il s’est bonifié, il a gagné en puissance.

Puisque telle est la question du spectacle : comment se pardonner ?

E.M. : La réponse immédiate est un peu simplette et naïve : le spectacle dit qu’il est plus simple de pardonner que de se pardonner à soi-même. Le traître se sait voué à la damnation. C’est dans l’adaptation qu’a surgi l’explication. Cette adaptation ne relève pas du copier-coller ou de coupes franches. Les mots de Chalandon sont écrits pour être lus et ils n’ont pas la même puissance quand ils sont dits pour être écoutés. Il me fallait des axes forts pour porter le texte à la scène. J’en ai trouvé un avec le conte que le père du traître lui raconte alors qu’il est enfant, et qui fait dix lignes dans le livre. Un prince et une princesse vivent heureux dans un château. Au premier enfant du couple, une pierre tombe du château ; au quatrième enfant, une pierre écrase la mère et le père s’enfuit. Les enfants deviennent des corbeaux. Voilà l’histoire de ce traître : celle d’un petit garçon qui a peur de devenir un corbeau et va pourtant le devenir. C’est un conte noir, fantastique : ta maison sera détruite, ta mère mourra, ton père partira, tu feras tout pour l’éviter et tu n’y parviendras pas. Le traître ne trouve pas comment se pardonner. Mais j’espère que ceux qui sont dans la salle lui pardonnent.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement


Emmanuel Meirieu met en scène Mon traître de Sorj Chalandon
du mercredi 26 février 2020 au samedi 29 février 2020
Les Gémeaux
49, avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux

à 20h45. Tél : 01 46 61 36 67.


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