Théâtre - Entretien

Elisabeth Chailloux

Elisabeth Chailloux - Critique sortie Théâtre Ivry _Théâtre des Quartiers d’Ivry


Théâtre des Quartiers d’Ivry / de Sénèque / mes Elisabeth Chailloux

Pourquoi avoir choisi de mettre en scène le mythe de Phèdre à travers la pièce de Sénèque plutôt qu’à travers celle de Racine ou d’un autre dramaturge ?

Elisabeth Chailloux : L’une des raisons principales pour lesquelles j’ai choisi de monter ce texte est la traduction splendide de Florence Dupont. A la lecture de ses mots, j’ai eu l’impression incroyable de voir apparaître devant moi les visages de Phèdre, d’Hippolyte et des autres personnages, de les voir me regarder à 2000 ans de distance. C’est une impression très troublante. Florence Dupont est parvenue à ressusciter Sénèque, à faire renaître la folie du désir de puissance insatiable qui traverse la vie romaine. Les personnages de Phèdre sont possédés par ce désir fou. Cette traduction rend compte de tout cela avec une poésie, un sens du concret et un lyrisme fulgurants.

 

Au-delà du travail de Florence Dupont, qu’est-ce qui vous séduit particulièrement dans le texte de Sénèque ?

E. Ch. : Peut-être la très belle réflexion sur le cœur humain qu’il fait naître, ainsi que  les questionnements sur la folie, les excès, sur l’assouvissement des désirs impossibles. Alors que dans sa Phèdre, Racine traite des passions de l’âme, Sénèque, lui, nous plonge dans la réalité du corps et de la sensualité. On est vraiment entre Eros et Thanatos : les pulsions sexuelles et érotiques s’expriment de façon très concrète.

 

« Alors que dans sa Phèdre, Racine traite des passions de l’âme, Sénèque, lui, nous plonge dans la réalité du corps et de la sensualité. »

 

Dans quelle époque situez-vous votre représentation ?

E. Ch. : On joue cette histoire ici et maintenant. C’est d’ailleurs l’une des grandes forces de ce texte : réussir à faire le pont entre notre siècle et celui de Néron. Sénèque nous dit que jamais la civilisation n’a été aussi belle qu’en son temps et, pourtant, il décrit un monde qui va dans le mur. Pourquoi cela ? Parce que le cœur de l’homme est un chaos, parce qu’il est insatiable, il en veut toujours plus. La correspondance avec notre époque est saisissante. Nous avons nous aussi l’impression d’aller dans le mur, nous aussi en voulons toujours plus et toujours plus…

 

Quelle est l’ambition essentielle de votre mise en scène ?

E. Ch. : Allier réflexion et émotion, faire en sorte que chaque prise de parole provoque un tsunami d’émotions. J’ai travaillé avec les acteurs (ndlr, Jean Boissery, Marie-Sohna Condé, Thomas Durand, Sara Lorca, Adrien Michaux, Marie Payen) pour qu’ils puissent aller jusqu’au bout de l’émotion et de la réflexion, pour qu’ils se fassent les passeurs de toute la puissance et toute la clarté de ce texte. Je souhaite que les spectateurs se sentent proches et familiers de cette Phèdre, de ses personnages, qu’ils soient saisis au cœur et bouleversés par la question du « vivre libre » qui se trouve au centre de ce texte.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Phèdre
du lundi 4 novembre 2013 au dimanche 1 décembre 2013
_Théâtre des Quartiers d’Ivry
1 rue Simon-Dereure, 94200 Ivry
Du 4 novembre au 1er décembre 2013. Les lundis, mardis, mercredis, vendredis et samedis à 20h, les jeudis à 19h, les dimanches à 16h. Relâche les lundis 11, 18 et 25 novembre. Tél. : 01 43 90 11 11. Théâtre complet, Sénèque, Thesaurus / Actes Sud

A lire aussi sur La Terrasse

  • Théâtre - Gros Plan

Marionnettes et théâtre d’ombres

La Scène Nationale de Sénart propose dix [...]

Du mardi 19 novembre 2013 au 28 novembre 2013
  • Théâtre - Agenda

Journées du Théâtre autrichien

23ème édition de ces journées permettant de [...]

Du lundi 25 novembre 2013 au 28 novembre 2013
  • Théâtre - Gros Plan

22ème Festival Don Quijote

Comme chaque année, le Festival Don Quijote, [...]

Du dimanche 17 novembre 2013 au 30 novembre 2013