Théâtre - Critique

Electre / Oreste d’Euripide, mis en scène par Ivo van Hove

Electre / Oreste d’Euripide, mis en scène par Ivo van Hove - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française


d’Euripide / mes Ivo van Hove

Il faut relire Euripide. Oublier que 25 siècles nous séparent de l’auteur. Oublier, comme dit Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, la « malheureuse réputation des tragiques grecs qu’on soupçonne réservés à un public universitaire et corseté dans de vieilles conventions ». On se doutait que ce ne serait pas le cas avec une mise en scène d’Ivo van Hove. Il le prouve une nouvelle fois avec sa vision saisissante d’un épisode fondamental des Atrides : le meurtre par Oreste, poussé par sa sœur Electre, d’Egiste et de son amante Clytemnestre, qui n’est autre que leur mère, pour venger la mort de leur père Agamemnon. Réunissant en une seule pièce Electre et Oreste, le Flamand montre ainsi le parcours du frère et de la sœur dans son intégralité, de l’attente de la vengeance à la montée de la radicalisation. Un mot qui résonne évidemment particulièrement à nos oreilles contemporaines mais qui est par essence le processus à l’œuvre dans la tragédie : le crime appelle la vengeance qui elle-même appelle le crime, cercle vicieux qui ne s’arrête jamais, sauf à ce que les dieux décident de l’arrêter en convoquant la sanction, et donc le droit. De la loi justement, il en est question par la bouche de Tyndare (magistral Didier Sandre) dans une scène centrale où il s’affronte avec Ménélas (Denis Podalydès) sur la question du sort d’Oreste, du vote de la cité et de la justice des dieux. Et aussi du dilemme d’Oreste : est-il justifié de tuer sa mère pour venger son père ?

Six timbales en cuivre

La force d’Ivo van Hove est de montrer toute la complexité du processus d’escalade de la violence en conjuguant l’individuel et le groupe, mettant à la fois en évidence la langue drue du Grec, la finesse des analyses psychologiques d’Euripide et la force du corps social. Il offre ainsi une superbe partition à Elsa Lepoivre qui apporte son humanité coutumière à Clytemnestre, à Suliane Brahim (Electre) qui n’a jamais été aussi vibrante ou encore à Christophe Montenez qui donne à Oreste une fragilité étonnante. Le tout dans un espace scénique constitué d’une boîte noire qui sert tour à tour de maison d’Electre ou de palais d’Argos, flanquée dans un sol de boue et encadré sur chaque côté par trois timbales en cuivre. Des timbales qui jouent un rôle fondamental grâce à la musique écrite par Eric Sleichim et interprétée en direct par des percussionnistes qui se partagent également une instrumentation acoustique et électronique.  Boue, sang, poignées de terre jetées, coups sourds des timbales, chorégraphies proches de la transe créent une ambiance hypnotique et quasi tribale où violence et sacré se rejoignent. Avec des moyens modernes, Ivo van Hove signe une mise en scène au plus proche de l’esprit de la tragédie antique, où tous les arts sont indissociables et le rituel advient.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


Electre / Oreste d’Euripide, mis en scène par Ivo van Hove
du samedi 27 avril 2019 au mercredi 3 juillet 2019
Comédie-Française
Place Colette, 75001 Paris

En alternance. Tél. : Tél. : 01 44 58 15 15.





Création retransmise en direct au cinéma le jeudi 23 mai à 20h15, dans plus de 200 cinémas de France.





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