Théâtre - Critique

Eaux dormantes



Il est question de dire, dans Eaux dormantes. De dire ou de se dire,
se raconter, se définir, se découvrir, tenter d’entrer dans ce qui pourrait être
soi par le biais de quelque chose : un prénom, une profession, un souvenir, un
lien, une ascendance, un passé? Il est question de se remémorer les pires heures
du XXème siècle comme ses derniers congés passés en Provence, en Bretagne, à
New-York ; question de se remémorer ou bien d’échouer à le faire, de glisser
jusqu’aux redoutables affaissements de l’existence. « Mattias : Qu?est-ce que
tu dis ? / Judith : Je ne sais pas qui tu es ? / Mattias : Qu?est-ce que tu
dis ? Tu ne sais pas qui je suis ? / Judith : Bien sûr que si. Bien sûr que je
sais qui tu es. Je veux dire, je ne sais pas qui je suis. / Daniel : La question
n?est pas qui tu es, à vrai dire, mais pour qui les autres te prennent. 
» Il
est question de tout cela : de perte de mémoire, de perte d’identité, de perte
de désir. Et de mort, aussi, d’une mort qui plane à travers l’ambivalence de son
éventualité.

Une pièce sur la perte : de la mémoire, de l’identité, du désir?

Ainsi, les sept convives imaginés par le dramaturge suédois laissent peu à
peu entrevoir leur propre achèvement, le déclarant, l’interrogeant, le rendant
vraisemblable. Et si Mattias, Judith, Daniel et les autres étaient déjà
effectivement dans cet ailleurs’ La question se pose et dessine l’une des
brèches les plus passionnantes de cette pièce sombre, équivoque, supérieurement
poétique. Pourtant, face au travail statique et superficiel de Claude Baqué, le
public risque de rapidement sentir le spectacle s’effiler. L’ensemble des
interprètes (Marion Bottollier, Pierre-Alain Chapuis, Michel Hermon, Serge
Maggiani, Simona Maïcanescu, Marie Matheron et Nicolas Struve) fait preuve d’une
exemplaire homogénéité ; ils composent une façon de septuor, tressant leurs
répliques dans une musicalité sans emphase, mais le cadre scénique au sein
duquel le metteur en scène fige ses comédiens apparaît souvent anecdotique,
voire factice. Traitant des voix sans s’occuper des corps, sans appréhender la
dimension spatiale et théâtrale de la représentation, Claude Baqué oublie ainsi
de creuser l’écriture de Lars Norén, d’en explorer toutes les ressources et
toutes les ombres.

Manuel Piolat Soleymat

Eaux dormantes (Stilla vatten), de Lars Norén ; texte français de
Katrin Ahlgren et Claude Baqué ; mise en scène de Claude Baqué. Du 31 mai au 16
juin 2007. Du mercredi au samedi à 20h00, le mardi à 19h00. Matinées
exceptionnelles le dimanche 10 juin à 16h00 et le samedi 16 juin à 15h00.
Athénée Théâtre Louis-Jouvet, square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7, rue Boudreau,
75009 Paris. Réservations au 01 53 05 19 19. Spectacle vu à l’Apostrophe ? Scène
nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise.

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