Cirque - Critique

Dystonie

Dystonie - Critique sortie Cirque Paris Le Monfort Théâtre


par la compagnie Defracto

Dans Flaque (2015), Éric Longequel et Guillaume Martinet de la compagnie Defracto se donnaient pour contrainte de jongler sans contracter les muscles ni se prendre au sérieux. Opposant ainsi au culte de la virtuosité encore largement associé à leur discipline un langage absurde aux accents surréalistes – des gags autour d’une banane y côtoient par exemple la Rhapsodie de Liszt –, les deux jongleurs accompagnés du compositeur David Maillard suscitaient avec ce spectacle une forte attente. Un désir de voir se prolonger la remise en cause des fondamentaux du jonglage menée par le trio avec autant d’humour que d’exigence. Présenté notamment la saison dernière au Carreau du Temple dans le cadre du festival Rencontre des Jonglages, organisé par la Maison des Jonglages de la Courneuve, Dystonie est à la hauteur de ces espérances. Avec deux nouveaux complices, André Hidalgo et Joseph Viatte, Guillaume Martinet y confronte sa discipline à une nouvelle règle physique qui bouleverse de nouveau les habitudes bien dignes et verticales du jongleur. Mais d’une tout autre façon que dans Flaque. Trouble d’ordre neurologique provoquant des contractions involontaires des muscles, la maladie dont Defracto fait le titre de sa nouvelle création déclenche en effet un comportement contraire à la mollesse déployée dans la création précédente. Une gestuelle rapide, nerveuse, que les artistes mettent au service d’une cérémonie de leur cru, où se confondent imageries sacrées et culte du gag.

Maladie à six mains

Vêtu d’une jupe, son mince torse moulé dans un débardeur blanc, Joseph Viatte ouvre la pièce sur une note d’étrangeté. Seul au centre d’un dispositif bifrontal tout simple, sur une piste réduite à un couloir à peine assez large pour accueillir les trois artistes, il danse. Imperturbable comme un derviche, il tourne sur lui-même. Exécute quelques gestes, toujours les mêmes, qui semblent témoigner d’une activité intérieure. D’une sorte de méditation. Rieuse et acrobatique, l’entrée en scène de Guillaume Martinet et d’André Hidalgo ne perturbe pas sa chorégraphie. Mais lentement, un dialogue se crée. Un nouveau rapport à l’espace et au temps aussi, plus souples. Davantage ouverts au hasard. À la perturbation dont l’Autre est toujours une promesse, de même que la platine vinyle qui trône à une extrémité de la piste étroite. Née d’un métissage entre différentes disciplines – le hip hop, le cirque, le butô et la danse classique, entre autres –, la compagnie Defracto poursuit ainsi dans Dystonie sa belle extension du domaine du cirque. La musique, toutefois, reste au centre du spectacle. Pour la faire démarrer, les garçons se bagarrent. Et une fois lancé, chaque morceau leur impose une manière de se rencontrer et de croiser leurs pratiques du jonglage. Autrement dit, leurs regards sur le monde.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Dystonie
du mercredi 5 décembre 2018 au samedi 22 décembre 2018
Le Monfort Théâtre
106, rue Brancion, 75015 Paris

à 19h30 et le dimanche à 16h. Tel : 01 56 08 33 88. www.lemonfort.fr. Vu au Carreau du Temple en mai 2018.


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