Théâtre - Critique

Dispersion (Ashes to ashes)

Dispersion (Ashes to ashes) - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Oeuvre


Critique Théâtre de l’Œuvre / de Harold Pinter / mes Gérard Desarthe

Des silences. Nombreux, tendus, habités. Une femme, Rebecca, et celui que l’on devine être son compagnon, Devlin, installé face à elle. Des questions et des réponses qui tissent la trame d’une double investigation, d’une double dimension à découvrir. D’abord, la dimension d’un supposé adultère, d’un amant dont l’existence reste imprécise, dont la réalité sinueuse échappe, interroge. Puis une dimension encore plus énigmatique, plus obscure, plongeant ses racines dans le passé, dans les tragédies de l’histoire, qui vient comme transpercer, bousculer, par bouffées, l’espace-temps de ce face-à-face. Cette dernière dimension, comme un iceberg à la monumentalité invisible, surgit sans crier gare. Elle renverse la stabilité du temps présent. Subitement, la mémoire de la Shoah resurgit, par éclats, pudiquement, sans s’identifier – déchirure de l’histoire qui charrie avec elle toutes les déchirures de l’histoire : passées et à venir. Ecrite en 1996 par celui qui obtiendra le Prix Nobel de littérature 9 ans plus tard, en 2005, Ashes to Ashes donne corps à des échappées mentales situées à la frontière de l’abstraction. Des échappées investies, sur le plateau du Théâtre de l’Œuvre, par Carole Bouquet et Gérard Desarthe, qui signe la mise en scène du spectacle.

Une création rigoureuse, exigeante

Au sein d’un décor entre salon bourgeois et espace stylisé (conçu par Delphine Brouard), les deux comédiens se révèlent remarquables. Précis, denses, ils jouent la carte du dépouillement, de la rigueur, de l’intensité. Les répliques se succèdent, en dehors de tout effet de démonstration, de tout débordement psychologique, formant une suite de séquences entrecoupées par de brefs noirs. Austère sans jamais être poseuse, cette représentation nous emporte presque instantanément dans la profondeur et l’étrangeté de l’écriture de Harold Pinter (1930-2008). Car cette écriture naît, résonne, s’ouvre, dévoilant les béances d’un monde habité par des mystères et des fantômes. Choisissant de mettre à distance la corporalité et le trouble des personnages, Gérard Desarthe crée un spectacle essentiellement cérébral, qui joue finalement peu sur l’émotion. La pièce se déploie ainsi à travers des nappes de sens et de perspectives qui se répondent, s’élèvent, s’entrechoquent et restent en suspension. C’est une très belle création que présente, pour l’ouverture de sa saison 2014/2015, la nouvelle direction du Théâtre de l’Œuvre. Une création qui s’inscrit dans la ligne exigeante et ambitieuse que suit, depuis deux ans, ce théâtre historique.

 

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Dispersion (Ashes to ashes)
du mardi 16 septembre 2014 au dimanche 30 novembre 2014
Théâtre de l’Oeuvre
55 Rue de Clichy, 75009 Paris, France

Théâtre de l’Œuvre, 55 rue de Clichy, 75009 Paris. A partir du 16 septembre 2014. Du mardi au samedi à 21h, matinées le samedi à 18h et le dimanche à 15h. Durée de la représentation : 50 minutes. Tél. : 01 44 53 88 88. www.theatredeloeuvre.fr


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