Théâtre - Critique

Descendre du cheval pour cueillir des fleurs texte et mise en scène de Fanny Gayard avec Rose Guégan, Jana Klein et Camille Plocki

Descendre du cheval pour cueillir des fleurs texte et mise en scène de Fanny Gayard avec Rose Guégan, Jana Klein et Camille Plocki - Critique sortie Théâtre Alfortville Théâtre studio Alfortville


texte et mes de Fanny Gayard

Enfances de classe, magistral ouvrage dirigé par Bernard Lahire et sorti en cette rentrée, le démontre avec une force implacable : dès l’enfance, certains sont soutenus par une chance qu’ils sauront transformer en don alors que d’autres, privés des conditions culturelles et sociales de la réussite, demeureront sans doute dans la catégorie des manquants. D’Annie Ernaux à Stéphanie Chaillou, tout a déjà été dit de ces vies minuscules dont ceux qui les subissent conservent les stigmates, à l’instar des trois personnages de la fiction imaginée par Fanny Gayard et interprétée par Rose Guégan, Jana Klein et Camille Plocki. Trois sœurs, réunies dans leur maison d’enfance pour la vendre après la mort des parents, tentent de faire le bilan de leur maigre héritage matériel et du silence testamentaire de leur classe d’origine. L’aînée a réussi à s’élever socialement ; la cadette est demeurée ouvrière comme les parents (l’école n’a pas su soutenir ses rêves créatifs, trop ambitieux pour son milieu) ; la benjamine a choisi le pas de côté plutôt que le bond en avant. Elles se retrouvent à l’enterrement d’une vie, d’une enfance et d’une classe sociale, et fouillent dans les gravats de la mémoire.

Classe en soi, classe pour soi…

Cette fiction, qui puise au fonds marxiste et emprunte à l’analyse sociologique, choisit un titre en hommage à Mao tout en revendiquant sa filiation tchekhovienne : Macha, Olga et Irina n’iront jamais à Moscou… Leur enfance est perdue dans l’oubli puisqu’elle a d’emblée été dépourvue des mots qui définissent, élucident et consolent. Seuls les membres de la classe pour soi ont conscience d’une appartenance commune et sont capables de défendre leurs intérêts propres. Mais, pour ce faire, il leur faut en passer par le travail d’analyse que mènent ici les trois sœurs et que métaphorise l’analyse chimique de la terre de la cave, porteuse des substances qui ont assassiné le père. Sans ce travail, on ne parvient jamais à s’extirper de ses origines : on a beau faire, rêver, batailler, on a beau se déguiser en un autre, on ne sait pas marcher en escarpins et on garde toujours sur le dos la veste du père ouvrier et la honte ou la colère de ceux qui subissent. Remarquable travail d’incarnation : Rose Guégan, Jana Klein et Camille Plocki campent trois femmes dont les corps disent mieux qu’elles-mêmes ce qu’elles sont devenues ou demeurées. La mise en scène, autour de la table à manger transformée en plateau d’enquête, ménage habilement le passage entre les scènes. Porté par des comédiennes intenses, ce spectacle est un habile plaidoyer pour la conscientisation indispensable à la révolution !

Catherine Robert

A propos de l'événement


Descendre du cheval pour cueillir des fleurs
du mercredi 9 octobre 2019 au samedi 19 octobre 2019
Théâtre studio Alfortville
16, rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville.

; relâche le dimanche. Tél. : 01 43 76 86 56. Durée : 1h20.


 


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