Théâtre - Entretien

Des couteaux dans les poules mis en scène par Gilles Bouillon

Des couteaux dans les poules mis en scène par Gilles Bouillon - Critique sortie Théâtre CHATILLON Théâtre de Châtillon


Théâtre de Châtillon / de David Harrower / mes Gilles Bouillon

A quel univers théâtral la pièce Des couteaux dans les poules donne-t-elle naissance ?

Gilles Bouillon : Des couteaux dans les poules est un conte cruel. Une histoire d’amour, de meurtre, de solitudes. Se dessinent un ciel noir de pluie, l’odeur âcre des écuries, la sueur des corps, la lutte pour vivre, les regards hostiles d’un village… Un laboureur aime trop ses chevaux, il laisse sa jeune femme porter au moulin le grain à moudre. Le meunier lit des livres, et écrit. Dans ce trajet initiatique, entre la peur et le désir, la jeune femme va faire un pas de côté et découvrir la liberté.

Qu’est-ce qui vous paraît au cœur de l’écriture de David Harrower ?

G.B. : La beauté de la langue, sa puissance, son étrangeté. Son rythme syncopé. Les personnages ne s’expriment presque que par monosyllabes, avec ellipse de tout superflu, notamment des pronoms sujets, des conjonctions, comme chez Beckett. Comme s’ils parlaient un langage primitif émanant directement de la terre ou du subconscient, une langue écorchée, brutale, qui aurait aussi la douceur du langage poétique rêvé par Rimbaud : de l’âme pour l’âme.

« Une manière de scruter à vif les comportements humains sans entamer leur secret. »

 Comment vos interprètes s’emparent-ils de cette langue ?

G.B. : Ce qui me fascine dans cette pièce, c’est la radicalité, la brutalité, même, de personnages entiers, sans faux-fuyants. C’est une manière de scruter à vif les comportements humains sans entamer leur secret. Le désir et la sexualité irradient toute la pièce. Ainsi que le contact de la peau contre la peau, la voix, le souffle, la chair des mots… Le désir de dire répond au désir des corps. J’ai travaillé à susciter l’engagement des acteurs dans le geste physique autant que dans le phrasé de cette parole que je veux faire entendre sans écran.

Quel espace avez-vous imaginé pour ce monde singulier ?

G.B. : L’intrigue est nue et tranchante : c’est une tragédie, avec meurtre, remords, exil. Mais c’est aussi une seconde naissance pour le personnage féminin qui réussit à se libérer d’un monde ancien et patriarcal. La liberté ne va pas sans arrachement. Il faut tuer le vieil homme pour que naisse l’homme nouveau. Avec la scénographe Nathalie Holt, j’ai voulu que le parcours de la jeune femme soit comme une venue au jour, à la lumière. Il se déroule dans un espace très clair : blanc comme la fleur de farine ou la page blanche. Le mystère se cache dans la lumière ! Mais si la jeune femme accède à la liberté, c’est d’abord par un travail sur le langage. Elle dit qu’elle est, elle dit qui elle est. Il s’agissait donc de faire entendre sa voix de femme libre et consciente d’elle-même, d’inventer, contre les préjugés de la haine et de l’exclusion, une langue de la vérité et de la sensation : un langage poétique.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Des couteaux dans les poules mis en scène par Gilles Bouillon
du vendredi 11 janvier 2019 au mardi 15 janvier 2019
Théâtre de Châtillon
3 rue Sadi-Carnot, 92320 Châtillon

Les 11, 12, 14 et 15 janvier à 20h30, le 13 janvier à 16h. Durée de la représentation : 1h30. Tél. : 01 55 48 06 90. www.theatreachatillon.com


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