Avignon - Critique

« Dérives 1&2 » : la poésie de Christophe Tostain investit l’Artéphile

« Dérives 1&2 » : la poésie de Christophe Tostain investit l’Artéphile - Critique sortie Avignon / 2023 Avignon Artéphile


Artéphile / texte et mise en scène Christophe Tostain

La découverte de son écriture, en 2005, à l’occasion de la parution de sa pièce Lamineurs aux Editions Espace 34, fut une belle surprise. Dix-huit ans plus tard, on retrouve la poésie aiguë et tranchante de Christophe Tostain dans le Off d’Avignon, à l’occasion d’un diptyque intitulé Dérives dont les deux spectacles, joués en alternance, se font écho sans être explicitement liés l’un à l’autre. Zones d’ombres, la première partie, a été créée en mars dernier au Théâtre des Miroirs à Cherbourg. Le Mensonge du Singe, la seconde, a vu le jour il y a un peu plus de cinq ans, au Théâtre de l’Archipel – Scène conventionnée de Granville. Ce sont les codirecteurs de l’Artéphile, Anne Cabarbaye et Alexandre Mange, qui ont eu l’idée de réunir ces propositions dans un diptyque. Il faut dire que les univers de ces deux textes sont proches. Les représentations auxquelles ils donnent lieu participent à une même critique de notre époque et de la société ultralibérale. Elles nous immergent, de façons distinctes, dans l’existence d’un homme qui fait face, avec difficulté, aux excès et aux violences du monde capitaliste dans lequel nous vivons.

Excès et violences du monde contemporain

Quoique nourries d’imaginaires issus d’un même terreau littéraire, traversées de constats pointant du doigt des dérives semblables, ces deux propositions se révèlent plus ou moins convaincantes. Interprété par Christophe Tostain, par le bassiste Alexandre Simoni et par la chanteuse Lotus Choffel (qui signe scénographie, lumières et vidéos), le formidable Zones d’ombres prend la forme d’un concert poétique à la manière du spoken word. Les mots claquent et les secousses fusent au sein de ce récital théâtral qui entrelace intimement textes, sons, chants, musiques… On suit, jour après jour, l’errance d’un Ulysse contemporain ayant fui les champs mornes d’un milieu agricole pour rejoindre une mégapole inhumaine. Les pérégrinations de cet homme essoufflé, malmené, déconsidéré nous happent. Quant au périple mental auquel nous invite Le Mensonge du Singe, il a plus de mal à faire théâtre. On reste en dehors des digressions introspectives du personnage qui nous fait face, assis dans un fauteuil, immobile durant toute la représentation. La langue affutée de Christophe Tostain (ici seul en scène) est bien là. On retrouve également le regard sans concession que l’auteur porte sur les boursouflures standardisées de notre monde. Mais il manque de la chair, du vertige, à cette parole. La profondeur et la liberté scéniques qui soufflent sur la poésie politique de Zones d’ombres se sont estompées.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Dérives 1&2
du vendredi 7 juillet 2023 au mercredi 26 juillet 2023
Artéphile
7 rue du Bourg Neuf, 84000 Avignon

à 14h50. Les jours impairs, partie 1 : Zones d’ombres (durée : 1h05). Les jours pairs, partie 2 : Le Mensonge du singe (durée : 1h05). Relâche les 13 et 20 juillet. Tél. : 04 90 03 01 90.


 


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