Théâtre - Critique

Deal d’après la pièce Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès / Conception et jeu Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde

Deal d’après la pièce Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès / Conception et jeu Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde - Critique sortie Théâtre Paris Le CENTQUATRE-PARIS


Reprise / d’après la pièce Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès / Conception et jeu Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde

Pour assister au spectacle Deal, il faut commencer par se délester de ses effets personnels. Imaginé par les danseurs et circassiens Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde, puis conçu par le scénographe/constructeur Vincent Gadras et construit par Les Ateliers du Grand T, Scène nationale de Nantes, le dispositif qui nous accueille est trop étroit pour accueillir nos sacs et nos fourrures. Derrière une paroi de tôle ondulée et de plaques translucides, on s’assoit sur des gradins installés autour d’une scène carrée. Nous sommes déjà loin de l’agitation du monde lorsque Jean-Baptiste André entre en piste, et qu’il commence à en faire le tour au pas de course, l’air occupé par une urgence. Assez proches de lui pour tenter de lire un sentiment derrière son expression entêtée, pour entendre son souffle, nous voilà à l’écoute de son langage physique, vite perturbé par l’irruption de Dimitri Jourde. Riches de leurs deux pratiques, ils entament une danse acrobatique où la violence le dispute à une douceur étrange. Ils ouvrent un bal dont ils ne sont qu’en apparence les seuls participants car nous, spectateurs légèrement penchés sur eux, tentons de trouver le sens et la valeur de leurs gestes. Non comme des arbitres, mais comme des témoins curieux, concernés, que les mots de Bernard-Marie Koltès viennent bientôt guider.

Un combat de mots et de gestes

« Un deal est une transition commerciale portant sur des valeurs prohibées ou strictement contrôlées, et qui se définit dans des espaces neutres, indéfinis, et non prévus à cet usage », prononce Jean-Baptiste André entre deux empoignades aussi brutes que gracieuses. Ce sont d’ailleurs elles qui semblent avoir précipité dans la bouche de l’artiste les premiers mots de Dans la solitude des champs de coton : une didascalie que les deux complices présentent comme l’une de leurs sources d’inspiration principales pour le spectacle. C’est là la belle singularité de ce Deal, dans un paysage circassien qui peine encore souvent à trouver des endroits de dialogue subtils avec le théâtre. Les phrases du client, portées par Jean-Baptiste André, et celles du dealer prises en charge par Dimitri Jourde, n’illustrent jamais la relation complexe, changeante, qui se déploie au plateau. Elles font partie d’une même partition, comme la lumière de Jérémie Cusenier qui passe par toutes les nuances du glauque, et la musique de Jefferson Lembeye dont les stridulations laissent parfois place à des sons inattendus. À un air de country ou un morceau hip hop. La danse très finement écrite à laquelle se livrent les deux hommes est à l’image de toute rencontre, de toute altérité : elle est pleine d’imprévus qui font rire ou frissonner. Elle bouleverse, et suscite la pensée.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Deal d’après la pièce Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès / Conception et jeu Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde
du lundi 27 septembre 2021 au mercredi 29 septembre 2021
Le CENTQUATRE-PARIS
5 rue Curial, 75019 Paris.

Les 27, 28 et 30 septembre à 19h, le 29 à 16h30 et 21h30. Tél : 01 53 35 50 00. Durée : 1h.


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