Théâtre - Critique

Dans la solitude des champs de coton

Dans la solitude des champs de coton - Critique sortie Théâtre Montataire Le Palace


Le Palace de Montataire et la Maison des Arts et Loisirs de Laon / de Bernard-Marie Koltès / mes Christophe Laparra et Frédéric de Goldfiem

Christophe Laparra et Frédéric de Goldfiem se tiennent sur le plateau nu, avec, pour seul décor, les lumières de Jean-Gabriel Valot et la création sonore et musicale de Jean-Kristoff Camps. Koltès recommandait que le Dealer soit noir, ou vêtu de noir, pour marquer son appartenance au monde de la nuit et du commerce illicite, face au Client, homme du jour et de la légalité, en blanc. Contrairement à ce conseil, les deux comédiens portent des costumes dans les mêmes tons, et suggèrent, comme s’ils étaient interchangeables, que seul importe le rapport entre eux, ou plutôt son échec. Le choix de ces vêtements presque identiques (un peu plus chic pour le Client, peut-être) érige les personnages de Koltès à hauteur allégorique, dans cet univers aride où les êtres sont comme des citadelles inexpugnables au cœur d’un désert désolé. La rencontre improbable, sans temps ni lieu, entre le Dealer et le Client est marquée par le double avortement du désir et du conflit, et ce sont deux espaces mentaux qui se croisent, sans communauté possible, dans une durée dilatée aux dimensions de l’éternité.

L’art verbal comme art martial

Sorte de supplice sans début ni fin, le texte confronte ses héros au désir de l’autre et au désir de mort, tous deux – et par définition – vides, et pourtant repris dans une création continuée du désespoir. A la fois négociation commerciale et tractation diplomatique, l’échange entre les deux hommes ne dévoile pas son objet, à moins que celui-ci ne soit le désir lui-même, que le Dealer pourrait satisfaire, si le Client l’éprouvait. A la fin de la pièce, il ne reste plus que la possibilité du conflit : « Alors, quelle arme ? », demande le Client. Toute la pièce n’est donc que la préparation de cette faillite ultime : le temps de la négociation est le temps de la diplomatie. « Le premier acte de l’hostilité, juste avant le coup, c’est la diplomatie, qui est le commerce du temps. Elle joue l’amour en l’absence de l’amour, le désir par répulsion. », dit Koltès dans Prologue. Christophe Laparra et Frédéric de Goldfiem font le pari d’une austérité scénique ambitieuse. Ils choisissent également de mettre en évidence les contrastes de la langue de Koltès, mélange subtil entre oralité brutale et syntaxe recherchée. Ils disent le texte avec une diction sophistiquée et un grand souci de la musicalité de chaque mot. Leurs corps incarnent également ce contraste entre violence brute et raffinement des postures, et leurs déplacements scéniques ressemblent à une chorégraphie d’art martial. Le Théâtre de Paille, compagnie en résidence au Palace à Montataire, réussit un traitement original, raffiné et subtil de ce texte de Koltès.

Catherine Robert

A propos de l'événement


Dans la solitude des champs de coton
du vendredi 18 janvier 2013 au vendredi 18 janvier 2013
Le Palace
rue des Déportés 60160 Montataire
Le Palace, rue des Déportés 60160 Montataire. Le 18 janvier 2013, à 14h30 et 20h30. Tél. : 03 44 24 69 97. Maison des Arts et Loisirs, place Aubry, 02000 Laon. Le 25 janvier à 20h. Tél. : 03 23 22 86 86. Durée : 1h40. Spectacle vu au Théâtre du Beauvaisis.

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