Théâtre - Critique

Dans la solitude des champs de coton : comme déplacée et éclairée d’un jour nouveau dans la mise en scène de Kristian Frédric

Dans la solitude des champs de coton : comme déplacée et éclairée d’un jour nouveau dans la mise en scène de Kristian Frédric - Critique sortie Théâtre En tournée


En tournée / texte Bernard-Marie Koltès / mise en scène Kristian Frédric

Cette vision en dehors des sentiers battus de Dans la solitude des champs de coton ne fera peut-être pas l’unanimité. Tout y est trop noir. Trop peuplé de sons et de clameurs, d’échos, de cris et de grognements, de vrombissements. Tout est y trop résolument soutenu, voire extrême, pour susciter les bravos enthousiastes qui, disons-le, manquaient lors de la première représentation du spectacle, le 14 mars, à l’Espace Cardin. Qu’importe. La proposition du metteur en scène Kristian Frédric, bien sûr éloignée du réalisme psychologique dans lequel baigne souvent l’œuvre de Koltès, est ambitieuse et personnelle. Dans l’univers ténébreux élaboré par Enki Bilal (l’auteur de bande dessinée et cinéaste signe les décors et les costumes), à la croisée d’un au-delà futuriste et d’un en deçà mythologique, Ivan Morane (dans le rôle du Dealer) et Xavier Gallais (dans le rôle du Client) font naître les fulgurances littéraires et humaines de la pièce. Le premier est d’une netteté géométrique. Le second nourrit la sensualité de cette bataille de mots de façon organique. Ces deux présences se font face comme se font face les deux personnages : dans une opposition qui laisse apparaître une fraternité paradoxale.

Une fraternité paradoxale

Des monologues se succèdent, creusent un objet commun : le rapport qu’institue la rencontre des deux hommes. De longs pans de texte donnent corps à la beauté stupéfiante de l’écriture de Koltès, dans laquelle viennent s’enchâsser de brefs passages de la pièce traduits en araméens (surtitrés en français). Un dealer s’adresse à un client. Un client s’adresse à un dealer. Le commerce illicite dont ils sont les protagonistes n’est pas la question. Ce qui compte, ce sont les relations de sujétion, d’interdépendance, qui les orientent et les déterminent. Ces relations sont disséquées et soumises à toutes sortes de certitudes, de vérités, d’appréciations, « à l’heure qui est celle des rapports sauvages entre les hommes et les animaux », pour citer la première phrase du texte. En nous plongeant dans un univers à la fois concret et mental, cette version de Dans la solitude des champs de coton nous transporte à la frontière de l’œuvre de Koltès. Ce théâtre dépasse le particulier pour rejoindre l’universel d’un ailleurs de la langue et du langage. Un ailleurs qui parle de l’autre, de soi, de soi avec l’autre, de soi sans l’autre. Qui parle de solitude. D’attachement.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Dans la solitude des champs de coton
du mardi 4 avril 2023 au samedi 6 mai 2023
En tournée

En tournée les 4 et 5 avril 2023 à la Scène nationale du Sud-Aquitain à Bayonne, le 7 avril au Théâtre de Gascogne à Mont-de-Marsan, du 11 au 13 avril à la Scène nationale de Compiègne, le 20 avril à La Merise à Trappes, les 25 et 26 avril à la Scène nationale de Chalon-sur-Saône, les 2 et 3 mai au Théâtre d’Aurillac, le 6 mai à La Maison des Arts du Léman.


Spectacle vu au Théâtre de la Ville – Espace Cardin à Paris.


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