Cinéma - Critique

Dancing Pina de Florian Heinzen-Ziob filme la transmission de deux chorégraphies de Pina Bausch, et c’est très beau

Dancing Pina de Florian Heinzen-Ziob filme la transmission de deux chorégraphies de Pina Bausch, et c’est très beau - Critique sortie Cinéma


Cinéma / un film de Florian Heinzen-Ziob

16 mars 2023. 13 heures, début d’un après-midi politique tumultueux autour de la réforme des retraites, et début du film, qui transporte au-delà de toute actualité au cœur du geste de transmission artistique, qui exige ténacité, minutie et écoute. Dancing Pina est un film envoûtant, hors du temps, qui révèle la beauté infiniment précise de la transmission de la danse. Et puisque l’artiste qui inspire le film est Pina Bausch, dont les créations ont tant ému et subjugué, cette transmission est beaucoup plus qu’un apprentissage technique, vraiment beaucoup plus. Elle est une manière de danser qui raconte, qui respire, qui se fonde sur l’intériorité, sur le sens profond du geste, dans une fidélité à soi qui se fait recherche, sans esbroufe, « beyond control », dans un lâcher prise quasi révolutionnaire. Pina n’est plus là, mais ses anciens danseurs et danseuses du Tanztheater de Wuppertal perpétuent son héritage, font vivre ses œuvres. Le cinéaste Florian Heinzen-Ziob signe là son troisième film, à la découverte d’un univers qu’il ne connaissait pas. Sa caméra observe deux projets très différents portés par la Fondation Pina Bausch : les images qui passent de l’un à l’autre en révèlent les contrastes et les similitudes. Le premier concerne la transmission de l’Opéra de Gluck Iphigénie en Tauride au Ballet de l’Opéra de Dresde, opéra flamboyant trônant au bord de l’Elbe. C’est la danseuse Malou Airaudo, qui l’a dansé dans les années 1970, qui dirige les répétitions, tandis que la mise en scène se déroule sous l’œil de Clémentine Duluy, qui a rejoint le Tanztheater en 2006. Le second se tient en 2020 à l’École des Sables fondée par Germaine Acogny et Helmut Vogt, où des danseurs et danseuses de toute l’Afrique répètent Le Sacre du Printemps sous la direction de Josephine Ann Endicott, qui dansa plus de trente ans auprès de Pina, et de Jorge Puerta Armenta.

Des ors de l’opéra au sable du Sénégal, une même ambition

« Pour ces artistes, issus de la danse contemporaine, du hip-hop ou du ballet classique, danser Pina, c’est questionner ses limites, ses désirs, et métamorphoser une œuvre tout en se laissant métamorphoser par elle » confie le réalisateur. Le film capte l’intensité de cette aventure artistique et humaine, laissant émerger des bribes d’histoires personnelles touchantes, osant le risque d’un temps long qui embrasse tout ce que le geste exprime et exige, qui chez Pina ne vise pas la perfection mais existe avant tout humainement, en soi et en relation à l’autre – à l’autre sexe notamment –, dans une exigeante vérité. Sangeun Lee, qu’on disait trop grande pour danser, comme d’autres telles Malou ou Josephine Ann qu’on disait un peu trop grosses (mais quelques kilos de plus ou de moins n’avait aucun impact pour Pina), interprète Iphigénie. Sangeun est très belle, très émouvante. Des ors de l’opéra au sable ocre du Sénégal, l’ambition demeure la même. Jusqu’à ce que le Covid stoppe net la diffusion du Sacre, qui, plus éphémère de jamais, est finalement dansé au soleil couchant sur le sable devant la mer, sous l’œil amoureux de la caméra. Seuls les artistes peuvent vaincre la mort…
Agnès Santi

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A propos de l'événement


Dancing Pina


Sortie le 12 avril 2023, Dulac Distribution


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