Théâtre - Critique

Criminel

Criminel - Critique sortie Théâtre Paris Manufacture des Abbesses


Manufacture des Abbesses / texte et mes Yann Reuzeau

Le moins que l’on puisse dire est que Yann Reuzeau est poreux au monde. Celui de la politique dans Chute d’une nation, celui de l’entreprise dans Mécanique instable, celui de la justice dans Criminel, sa nouvelle création, dont le texte vient de paraître chez Actes Sud. La pièce s’inspire de l’affaire Jacqueline Sauvage – cette femme qui a abattu son mari après plus de 40 ans de maltraitance conjugale et familiale. Boris (Morgan Perez) sort de 15 ans de prison pour parricide. Bien qu’il ait payé sa dette à la société, tous les comptes ne sont pas soldés pour sa sœur Camille (Sophie Vonlanthen), son beau-frère Xavier (Frédéric Andrau), et son ex-compagne Marion (Blanche Veisberg). Si le meurtre du père peut être assimilé à de la légitime défense, comment pardonner à Boris d’avoir porté la main sur sa sœur le soir du meurtre ? La construction du récit entre flash-backs et retours au réel, sans linéarité chronologique, marque bien l’avant et l’après du meurtre, cet événement central qui continue de provoquer des dommages collatéraux, et révèle le rapport que chacun entretient avec la justice. Qui est coupable, qui est innocent ? Camille n’est-elle pas tout autant coupable de ne s’être jamais révoltée contre ce père violent ? Marion n’est-elle pas tout autant coupable d’avoir chargé Boris à tort au procès, uniquement pour rompre définitivement avec lui ? Et quelle force travaille Xavier pour qu’il n’arrive toujours pas à pardonner à son ancien ami, s’imaginant même que la violence de sa fille de 4 ans serait génétique ?

L’intime et la justice

Criminel n’est pas un texte à message ni n’impose de point de vue. Au contraire. Dans une langue hyperréaliste et heurtée, Yann Reuzeau se focalise sur les scènes à deux et donne la parole à chacun de ses personnages. Tous sont complexes et à fleur de peau, de sorte que le spectateur oscille sans cesse entre empathie et rejet, remettant en cause ses certitudes. Cela induit une tension permanente accentuée par le plateau au décor circulaire qui évoque une arène. Il faut saluer les quatre comédiens qui jouent cette partition difficile avec une grande justesse, notamment Frédéric Andrau qui compose un Xavier à la psychologie subtile. Sans atteindre le souffle de La chute d’une nation, Yann Reuzeau réussit à allier un théâtre de l’intime à une vision plus vaste de la justice dans sa double acception : l’institution et l’équité, cette justice qui, comme l’assène Marion, « juge les méchants, les crimes, mais la plupart du temps, [n’]a aucune idée de ce que les gens ont fait ».

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


Criminel
du dimanche 8 octobre 2017 au mercredi 20 décembre 2017
Manufacture des Abbesses
7 Rue Véron, 75018 Paris, France

Tél. : 01 42 33 42 03.


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