Danse - Critique

Les « Corps extrêmes » de Rachid Ouramdane défient la pesanteur

Les « Corps extrêmes » de Rachid Ouramdane défient la pesanteur - Critique sortie Danse Paris Chaillot - Théâtre national de la danse


Chaillot, chorégraphie Rachid Ouramdane

Les images sont saisissantes. Projetées en grand large sur le mur d’escalade qui constitue la scénographie, elles plongent le spectateur en haute montagne, dans l’univers de Nathan Paulin, champion de highline. Les mots le sont tout autant. Rachid Ouramdane a fait le choix de documenter son spectacle de trois témoignages sur les pratiques de l’extrême de dix artistes de la scène ou du sport. La peur, l’état particulier de concentration extrême, le rapport à l’environnement… Il fait aussi voyager notre regard, de la ligne tendue en grande hauteur à l’à-plat du mur d’escalade, en passant par les trois dimensions du plateau, qu’investissent les acrobates, presque tous issus de son précédent travail avec le collectif de cirque XY. Là, d’incertaines colonnes à trois laissent place à des chutes, des rattrapages, des envols. La tension de cette première représentation au Festival Montpellier Danse, palpable dans les corps, occulte parfois l’incroyable pouvoir de contagion de leur art, quand la beauté du geste et de son rapport à la gravité mobilise intimement le spectateur, le met en mouvement et l’émeut. Le chorégraphe appuie sa démarche sur l’empathie kinesthésique qu’il recherche avec ses chorégraphies fluides et ses suspensions, sur la sympathie qu’il provoque par les paroles intimes qui nous sont livrées – la voltigeuse Airelle Caen dans le traumatisme d’une chute, la grimpeuse Nina Caprez dans son parallèle avec la vie de tous les jours…

Entre dévoilement de soi et portée symbolique du mouvement

Au fil de cette implacable implication physique et affective du spectateur, Corps extrêmes n’est cependant pas à prendre comme une galerie de portraits. Rachid Ouramdane laisse justement une grande place au seul langage du corps. Par petites touches, glissées dans le mouvement, il donne à voir les rapprochements entre les pratiques sur la question de la marche, du point de contact, de l’épuisement… Le sentiment de liberté, présent chez chacun d’entre eux, se lit en filigrane. Point commun, il marque cependant un écart intéressant : chez le highliner et la grimpeuse, leur rapport à l’environnement passe par la nature, dans un corps à corps solitaire. Chez les acrobates, il est indissociable d’autrui – essentiel soutien, indispensable appui. Que reste-t-il alors de ce sentiment, quand la liberté se dissout dans celle de l’autre ? C’est pourquoi les plus beaux moments du spectacle résident non pas dans l’intimité dévoilée mais dans les échanges, en particulier quand ils mêlent acrobates et sportifs. Même furtifs, il faut guetter les moments de passages de corps de l’un à l’autre, de l’un sur l’autre, au sol en support, contre la paroi en balancelle, dans les airs en effleurement ou en suspension par une main… et en goûter la portée, non pas extrême, comme le suggère le titre, mais profondément humaine.

Nathalie Yokel

A propos de l'événement


Corps extrêmes
du jeudi 16 juin 2022 au vendredi 24 juin 2022
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 Pl. du Trocadéro et du 11 Novembre, 75116 Paris

A 20h30 du mardi au samedi, les jeudis à 20h30, le dimanche à 15h30, relâche le lundi. Tél. : 01 53 65 30 00.


Spectacle vu lors de sa création à Montpellier en 2021.


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