Théâtre - Critique

Constellations

Constellations - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Petit Saint-Martin


Théâtre du Petit Saint-Martin / de Nick Payne / traduction Elisabeth Angel-Perez et Manuel Piolat Soleymat / mes Marc Paquien

Etonnant alliage, qui unit les énigmes et les aléas d’une histoire d’amour et les lois physiques à l’œuvre dans l’univers, depuis l’atome jusqu’à l’échelle cosmique – ces deux domaines étant propices à d’infinis mystères et vertiges… Au centre de Constellations de l’auteur anglais Nick Payne, deux personnages : Marianne, physicienne, et Roland, apiculteur, qui se rencontrent lors d’un barbecue, et vivent une relation amoureuse ponctuée de bons et mauvais moments, où s’immiscent la tromperie et la maladie. Se glissent aussi dans ce récit insolite et parfaitement construit quelques informations essentielles sur la société des abeilles… Etonnant télescopage aussi qui associe l’écriture même de Constellations et la théorie scientifique des « multivers », ou d’univers multiples qui coexistent simultanément. En écho à cette théorie, l’auteur imagine en effet diverses versions des mêmes scènes avec d’infimes et subtiles variations, dessinant toutes sortes de futurs possibles et différents à partir de situations initiales. Avec maîtrise et précision, Nick Payne déploie ce goût du jeu et du décalage propre à certains auteurs anglais ainsi qu’une écriture vive, dense, concrète et impeccablement tenue de bout en bout. Créée au royal Court à Londres en 2012, puis à Broadway, la pièce a été saluée par la critique, et récompensée notamment par le prestigieux Harold Pinter Award. Marc Paquien confie avoir été surpris « qu’un si jeune auteur soit déjà capable d’une telle maîtrise d’écriture, de tant d’invention et de profondeur ». Remarquable, sa mise en scène laisse émerger toutes les aspérités et toute l’humanité de cette histoire profondément touchante.

Subtilité et fluidité du jeu

Christophe Paou et Marie Gillain donnent corps à une relation d’une vérité totale, qui évite le piège de l’artificialité et de l’exercice de style qu’aurait pu induire cette succession de variations sur un même thème. Leur jeu sincère et engagé et leur complémentarité font mouche. Ils sont à la fois complètement ordinaires et complètement singuliers, et en cela parviennent à susciter l’empathie, à travers une forte présence dans les moments drôles et légers comme dans ceux graves et poignants. La direction d’acteurs au cordeau ainsi que la fine utilisation des lumières rendent la mise en scène toujours lisible et permettent de passer d’un univers à l’autre avec une grande fluidité. Seul élément scénographique : un disque suspendu, légèrement surélevé, où se tiennent les deux comédiens. Une forme pleine aux cercles concentriques, un abîme aussi ouvrant vers l’invisible et l’aléatoire, une matérialisation simple d’un univers en expansion qui prend vie grâce aux mouvements de l’humain subtilement rendus par le théâtre. Le théâtre qui est ici grâce aux talents conjugués du metteur en scène et des comédiens un admirable reflet de l’écriture. Un passage de l’univers de la page à celui du plateau formidablement réussi !

Agnès Santi

A propos de l'événement


Constellations
du vendredi 18 mars 2016 au dimanche 15 mai 2016
Théâtre du Petit Saint-Martin
17 Rue René Boulanger, 75010 Paris, France

du mardi au vendredi à 20h30, samedi à 17h et 20h30. Tél : 01 42 08 00 32.


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