Conjurer la peur de Gaëlle Bourges

De pièce en pièce, Gaëlle Bourges ne cesse d’explorer l’histoire de la peinture. « Mon goût pour les images est premier et nourrit ma manière de faire des spectacles », nous confiait-elle en mars dernier. « Je choisis pour chacun de mes spectacles une œuvre plastique qui permet d’ouvrir un faisceau de problématiques éclairant de façon singulière l’histoire des représentations ». Après le Verrou de Fragonard, La Dame à la licorne ou l’art pariétal, elle s’empare dans sa dernière création des Effets du bon et du mauvais gouvernement, fresque qu’Ambrogio Lorenzetti peignit sur les murs du palais communal de Sienne dans les années 1330, à la commande du gouvernement des Neuf.

Un foisonnement de détails et d’allégories

« Les deux côtés de la fresque mesurent quatorze mètres de long et sont remplis de détails. C’est en allant voir de près ces détails qu’on a une chance de toucher la profondeur de la pensée, du savoir-faire de Lorenzetti et, par là même, la complexité politique du temps dans lequel il vivait. » Guidée dans son entreprise par l’essai de l’historien Patrick Boucheron, Conjurer la peur, Sienne 1338 – Essai sur la force politique des images dont la pièce tire son titre, la chorégraphe performeuse accompagnée de huit interprètes redonne vie avec talent à cette œuvre monumentale, tout en tissant de sa voix des liens entre la Sienne d’alors et notre époque tourmentée, entre Histoire et intimité.

Delphine Baffour