Théâtre - Critique

Comme une pierre qui…

Comme une pierre qui… - Critique sortie Théâtre Paris Studio de la comédie française


Studio-Théâtre de la Comédie-Française / d’après Greil Marcus / mes Marie Rémond

« Du rythme sur une feuille à propos de ma haine constante », dira Bob Dylan de Like a Rolling Stone, une fois acquis le succès que l’on connaît. Le 16 juin 1965 pourtant, au Studio de Columbia Records où a lieu l’enregistrement, le chanteur n’est pas loquace. À vingt-quatre ans à peine, après quelques tubes comme Blowin’ in the Wind (1963), il est à un moment délicat de sa carrière. Son image d’artiste engagé lui pèse – il a notamment dénoncé le complexe militaro-industriel américain en pleine crise des missiles à Cuba dans Masters of War, et le racisme dans The Death of Emmitt Till –, et il n’a rien écrit depuis longtemps. C’est ce Dylan-là que Marie Rémond met en scène au Studio-Théâtre de la Comédie-Française dans Comme une pierre qui. Un Dylan en plein doute incarné par son complice Sébastien Pouderoux, qui arrive en studio avec un texte de vingt pages qu’il décrit comme un long poème, entouré de musiciens qu’il n’a jamais vus, à l’exception du guitariste de blues Mike Bloomfield (Stéphane Varupenne) dont il se sert d’intermédiaire. À partir du livre Bob Dylan à la croisée des chemins du critique de rock Greil Marcus, la metteuse en scène offre en effet une reconstitution très précise de l’enregistrement du morceau mythique. Avec tous ses tâtonnements et ses ratés, qui loin de déconstruire la légende la consolide avec légèreté et intelligence.

Hasard, doute et rock’n’roll

Au milieu des instruments qui occupent le plateau, Christophe Montenez est d’abord seul sur scène, l’air angoissé. Il incarne le jeune guitariste Al Kooper venu assister Tom Wilson (Gilles David), qui vient alors de produire Sound of Silence de Simon et Garunkel. En choisissant de montrer la naissance de Like a Rolling Stone à travers son regard mi-naïf mi-critique, Marie Rémond s’autorise une liberté de ton. Une distance des plus rafraîchissantes par rapport à l’Histoire. Loin de tendre à l’imitation des musiciens qu’ils incarnent, Sébastien Pouderoux et ses compagnons de scène en livrent des versions personnelles bien que très documentées et fidèles à l’esprit du rock de l’époque. Quasi-mutique, Dylan est un dandy emprunté au regard indéchiffrable, souvent trébuchant et l’harmonica pendu à la lèvre. Le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne), de formation classique, est un maigrelet complexé qui garde son marcel lorsque les autres se mettent torse nu, et le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) un amoureux éconduit. La réunion de tous ces personnages autour d’un projet encore nébuleux donne lieu à toutes sortes de micro-rebondissements qui ne manquent ni d’humour ni de virtuosité. Et encore moins de poésie. Entre concert et théâtre, la pièce de Marie Rémond fait beaucoup plus que rendre hommage à un Prix Nobel : elle questionne le processus de création. Ses grandeurs et ses fragilités.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Comme une pierre qui…
du samedi 10 juin 2017 au dimanche 2 juillet 2017
Studio de la comédie française
99 Rue de Rivoli, 75001 Paris, France

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, 75001 Paris, France. Jusqu’au 2 juillet, du mercredi au dimanche à 18h30. Durée de la représentation : 1h. Tel : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr.


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