Théâtre - Entretien

Claudia Stavisky met en scène La Trilogie de la villégiature et ses vertiges doux-amers

Claudia Stavisky met en scène La Trilogie de la villégiature et ses vertiges doux-amers - Critique sortie Théâtre Lyon _Théâtre des Célestins


Théâtre des Célestins / de Carlo Goldoni

Quel est le sujet de cette trilogie ?

Claudia Stavisky : Si on la lit attentivement, on s’aperçoit que son personnage principal est l’argent. Les histoires d’amour, d’ascension, de chute dépendent de l’argent, de comment il s’obtient, de comment il se perd. À l’époque où Goldoni crée cette œuvre, à la fin du XVIIIème siècle, la bourgeoisie commence son ascension. L’aristocratie, improductive, est déchue : une classe productrice de biens prend sa place. Et dans le système qui se met en place, la question de l’être et du paraître devient essentielle. Le seul rêve de cette bourgeoisie montante est de ressembler à l’aristocratie, qui par ses us et coutumes a conservé son pouvoir culturel, mais n’a plus les moyens de l’entretenir. Si les aristocrates savent jouir de ces privilèges, la bourgeoisie marchande sait en accumuler les moyens mais ne sait pas en profiter. Goldoni le montre à travers la métaphore de la villégiature, art noble de l’oisiveté dont ses personnages ne parviennent pas à jouir. Pire encore, et osons le mot, ils se font chier comme des rats !

« Le personnage principal est l’argent. »

Comment la trilogie progresse-t-elle ? C S. : La première pièce est celle des préparatifs pour partir. Rythme insensé, excitation extraordinaire ! Rien n’est prêt, ils changent d’avis : c’est une course folle pour pouvoir enfin partir en vacances. A peine sont-ils arrivés – c’est la deuxième pièce – que la phrase qu’ils prononcent le plus, c’est « quelle horreur ! ». Ils sont tous sur les nerfs. Rien n’est occasion de jouissance pour personne, et en même temps, tout est obligatoire, car tout est dans l’être social. Il faut maintenir le statut et le qu’en-dira-t-on. Quand ils arrivent enfin à abréger cette torture des vacances (troisième pièce), ils reviennent à Livourne, et croulent alors sous le poids des dettes. Concurrence, compétition entre hommes, entre femmes, conflit de l’être et du paraître, peur du déclassement, du désir, de la jouissance : c’est ce concert des peurs et des rivalités que Goldoni orchestre avec toute sa drôlerie, car, ne l’oublions pas, c’est une comédie !

Pourquoi situer la pièce dans les années 50 ?

CS . : Je cherchais un espace-temps qui nous paraisse atemporel. Impossible de la situer aujourd’hui : les portables et l’hyper communication atténuent l’ennui des vacances. Les années 50 voient l’avènement dans toute sa splendeur de la classe moyenne qui partout, après-guerre, émerge socialement avec une nouvelle puissance. Cette classe rêve de vivre avec les moyens, les costumes et les codes de la grande bourgeoisie. C’est cette petite bourgeoisie qui est particulièrement affectée aujourd’hui par la peur, la frustration et le sentiment de se faire exploiter et de payer pour les autres : en cela l’écho contemporain est aussi évident. Mais admettons que la trame de fond est tellement atemporelle que l’on n’a pas besoin de l’actualiser pour la faire entendre.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement


La Trilogie de la villégiature
du mardi 20 septembre 2022 au samedi 8 octobre 2022
_Théâtre des Célestins
4, rue Charles-Dullin, 69002 Lyon.

Du mardi au samedi à 20h ; dimanche à 16h. Tél. : 04 72 77 40 00.


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