Théâtre - Entretien

Christophe Perton

Christophe Perton - Critique sortie Théâtre


La pièce les Grandes Personnes est une commande faite à Marie N’Diaye.
Christophe Perton : À la Comédie de Valence en 2003, une première commande avait été faite à quatre auteurs, Marie N’Diaye, Annie Zadek, Pauline Sales et Marion Aubert sur la thématique des fantômes, à laquelle je suis attaché. J’ai ainsi confié la mise en scène de Rien d’humain à Olivier Werner, et je viens de monter à New-York Nothing human avec des Américains. En 2005, j’ai créé Hilda, et les Grandes Personnes s’inscrit dans cette continuité de choix d’écriture et de pièces inédites.
 
En quoi l’écriture de Marie N’Diaye entre-t-elle en affinité avec votre travail ?
Ch. P. : L’univers fantastique et mystérieux dans l’œuvre de Marie N’Diaye – romans et théâtre – me touche. Je suis attiré par cette profondeur souterraine, cette façon de raconter à la fois une histoire en surface et de tirer l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus profond et d’intense. La dimension souterraine de l’œuvre m’a toujours impressionné, de même la problématique des relations entre les êtres. Je suis attentif au rapport à la nature, entretenu au gré des ouvrages, à la relation aux éléments, à cet aspect universel et cosmique. L’écriture de Marie N’Diaye est dense, pas facile à aborder, mais éminemment théâtrale avec un sens intuitif du plateau. L‘acuité de la langue dans les dialogues est extrême. Cette singularité ne peut se rapprocher d’aucun autre univers, comme chez Koltès.
 
« Le mensonge, ce manquement initial, a provoqué par contamination une sorte de malédiction sur cette petite cité. »
 
Que pouvez-vous dire des Grandes Personnes ?
Ch. P. : La pièce traite du manque d’amour et de la relation entre parents et enfants. Cette thématique, discernable dans toute l’œuvre de Marie N’Diaye, est poussée encore plus loin dans les Grandes Personnes. L’auteur a installé des personnages dans des situations ultimes, soit parce qu’ils sont à la marge de la société, soit parce qu’ils ne sont plus identifiables comme éléments du corps social. Marie N’Diaye réussit – en mettant en scène et en jeu des fantômes, des personnages possédés par des monstres, des parents terribles -, à décrire des sentiments profondément humains. Elle réussit à faire en sorte que ce qui pourrait être de l’ordre de l’excès ou du conte dans l’écriture trouve une empathie avec ce que nous avons pu connaître de notre propre expérience et de nos histoires respectives. Qu’est-ce qu’avoir été enfant et être éventuellement parent soi-même ?
 
La pièce raconte l’histoire de deux couples, des amis d’enfance, dont l’un a mieux réussi que l’autre socialement, et qui ont des enfants de même âge.
Ch. P. : C’est le point de vue tant des parents sur les enfants que des enfants sur les parents. Que signifie « avoir réussi » dans la relation qu’on peut avoir avec son enfant ou dans le fait de fonder une famille ? Il est question d’un mensonge, un crime commis enfoui, que ces parents ont cru pouvoir cacher. La pièce raconte comment cette racine du mal a progressé et comment elle a contaminé malgré eux tous les descendants, comment cette vérité déniée s’avère finalement impossible à dissimuler dans le temps, comment elle explose et quels ravages elle provoque. Tout commence par une phrase clé : « J’avais décidé de ne pas en parler », et à partir du moment où l’un d’entre eux ouvre cette boîte de Pandore, la vérité que tous s’étaient acharnés à dissimuler se répand et provoque des métamorphoses et des changements qui font surgir des fantômes et des monstres. Le mensonge, ce manquement initial, a provoqué par contamination une sorte de malédiction sur cette petite cité. L’un des personnages est un garçon perverti monstrueux, un être souffrant, un autre en proie à la violence a fini par se donner la mort… On s’éloigne du prisme de la raison pour celui de l’intuition et des sensations.
 
Propos recueillis par Véronique Hotte

Les Grandes Personnes, de Marie N’Diaye ; mise en scène de Christophe Perton. Du 4 mars au 3 avril 2011, du mercredi au samedi à 20h30, mardi à 19h30, dimanche à 15h30. La Colline – théâtre national,15, rue Malte-Brun, 75020 Paris. Réservations : 01 44 62 52 52 Texte publié aux Éditions Gallimard.

A propos de l'événement




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